Scènes

Décès du pianiste François « Faton » Cahen

Il n’aura pas eu le temps de souffler ses 67 bougies. Né le 24 juillet 1944, le pianiste François Cahen vient de nous quitter, victime d’une crise cardiaque. Bref retour sur un grand monsieur dont les expériences musicales de ces quarante dernières années auront été autant de belles aventures.


François Cahen © Emmanuelle Vial

Bercé à la naissance par les passions musicales de sa famille, François Cahen commence l’étude du piano dès sa plus tendre enfance, et c’est avec un album de Thelonious Monk offert par sa mère - qui le surnomme Faton - qu’il découvre le jazz ; il choisit très vite de s’y consacrer en autodidacte. Il se nourrira des influences des plus grands, au premier rang desquels Miles Davis et John Coltrane. Jusqu’au jour où, par l’entremise du bassiste Jacky Vidal, il fera la connaissance de Christian Vander en 1969 : c’est le début de la grande aventure Magma, que le pianiste considérera comme son conservatoire personnel, une école d’une grande rigueur et d’un vrai professionnalisme qui sera déterminante pour lui.
François Cahen est partie prenante, y compris en tant que compositeur, des deux premiers albums du groupe (Magma et 1001° centigrades), qu’il quitte en 1972, suivi par le saxophoniste Yochk’o Seffer.

Tous deux vont alors former Zao, groupe qu’on peut considérer avec le recul comme la pierre angulaire de l’ensemble de sa carrière. Quatre albums : Z=7L, Osiris, Shekina (dans une formation augmentée d’un quatuor à cordes) et Kawana (avec Didier Lockwood, lui-même en partance de Magma) verront le jour entre 1972 et 1976, avant que Seffer ne choisisse de se lancer dans sa Neffesh Music, pendant que Cahen poursuit l’expérience jusqu’à en 1977 avec Typhareth, où l’on peut entendre un jeune batteur nommé Manu Katché.

Les années suivantes sont marquées par d’autres expériences et rencontres : des albums en solo (Piano Concerts, Tendre Piano Solo), ou en duo (Thank You Friends, 1978) où il célèbre en compagnie de Didier Lockwood leur amour de Debussy, Bartók, Bach, Keith Jarrett ou Joe Zawinul ; puis c’est l’aventure américaine avec Miroslav Vitous, ex bassiste de Weather Report, avec qui il enregistre Great Winds (1979), au côté de Jack DeJohnette.

En 1980, ce sont les retrouvailles avec Yochk’o Seffer pour la création de l’Ethnic Duo (dont un album live au Théâtre du Chêne Noir d’Avignon vient d’être publié), parallèlement à d’autres expériences en solo (ex : Piano Rêves, 1986).
C’est à cette époque que Cahen, qui s’implique aussi dans des musiques de films, s’associe à Didier Malherbe, en provenance de la planète Gong, pour former Faton Bloom. Deux ans plus tard, en 1988, nouvelle alliance, mais en trio, pour Couleur rubis avec le batteur Pip Pyle et le bassiste Étienne Callac.

1993 est l’année d’un nouveau départ avec la création de Faton, groupe dont il est l’unique compositeur et avec lequel il souhaite démontrer qu’une musique qui se situe dans la tradition populaire du jazz peut rassembler des publics divers. Ce qui n’empêchera pas le reformation éphémère de Zao (en compagnie de Jean-My Truong, Dominique Bertram et Patrick Tilleman), qui aboutira à la publication du très réussi Akhenaton en 1994.

Au cours des années 2000, François Cahen partagera son activité entre les concerts et les disques de Faton (dont la composition a connu quelques changements) et la remise sur pied de Zao entre 2003 et 2007, une période qui verra la publication de deux nouveaux albums, Zao Family et Zao Live In Tokyo.

En octobre 2008 paraît l’album live Ethnic 3 en trio avec Yochk’o Seffer et le percussionniste François Causse tandis que naît un nouveau quartet, Don Faton ; il en sortira un Cœur à corps (2009) où on retrouve le fidèle François Causse et, en tant qu’invité, un certain Didier Malherbe à la flûte.

Tout récemment, François Cahen annonçait un autre projet fusionnel baptisé Amalgama, extension de Don Faton augmenté d’un trompettiste dont le nom rappelle Magma : « On a fait un petit tour de quarante ans… de plaisir ! On continue l’aventure, et qui nous aime nous suit. »

Quarante années de musique, animées d’un souffle puissamment chaleureux, celui d’un artiste en mouvement perpétuel dont l’inspiration multiculturelle n’a jamais manifesté le moindre signe de tarissement. François Cahen va nous manquer cruellement même si nous savons qu’il va rayonner désormais au paradis des musiciens.

Merci l’ami !


Pour en savoir plus sur François Cahen (mais aussi son complice Yochk’o Seffer), on se reportera à Z comme ZAO, le site très documenté que lui a consacré Jean-Jacques Leca.