Chronique

Delbecq, Renard, Flouzat

Triple Fever

Benoît Delbecq (p), Étienne Renard (b), Guilhem Flouzat (dms).

Label / Distribution : Dstream / L autre Distribution

D’un format assez classique où l’on peut d’abord se surprendre de retrouver le pianiste Benoît Delbecq, la musique de Triple Fever est de celles qui se laissent découvrir au fur et à mesure, dans le lent développement d’une base rythmique très diserte. « The Stone We Left Unturned » commence comme une ballade très simple où la batterie de Guilhem Flouzat marque un rythme solide, soutenu par la contrebasse très sèche d’Étienne Renard. Et puis il y a quelques ruptures, comme des dévers caillouteux sur un chemin tout droit qui offre un point de vue différent, un piano qui s’épanche et offre des complexités nouvelles. D’un morceau très codifié naît quelque chose d’autre, plus collectif. On est là dans l’univers recherché par Triple Fever : jouer avant tout, sans se poser des questions de forme.

« Triple Fever », composé par Benoît Delbecq, en est l’écrin. La contrebasse est ici centrale, nourrie par une idée fixe, légèrement entêtante, qui irise tout alentour. Le piano, d’une grande simplicité, construit autour de ce croisement incessant entre contrebasse et batterie, où Flouzat favorise les peaux avant de se concentrer sur le métal mat de ses cymbales ; les périodes d’excitation fugaces laissent place à une quiétude capiteuse, sans pourtant chercher la rupture, juste en incrémentant l’énergie de chaque musicien.

Projet porté par Étienne Renard, qu’on avait notamment entendu dans le bel album de Robinson Khoury, Triple Fever est un disque court à la conjonction de trois univers qui s’attirent les uns aux autres. « Liquide », écrit par le contrebassiste, en est le plus parlant exemple, le format très ramassé du morceau ne laissant pas de place aux préliminaires : le jeu de Delbecq est urgent, direct, versatile et inquisiteur ; il invite la batterie à la sobriété, marquant un rythme main gauche que la contrebasse accentue. La fluidité est de rigueur, elle persiste même dans « Log Lady » où le piano préparé marque un territoire que la batterie investit quelques instants. Une rencontre inédite pleine d’espaces à investiguer et d’imagination à nourrir.

par Franpi Barriaux // Publié le 31 mars 2024
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