Chronique

Gary Peacock Trio

Tangents

Marc Copland (p), Gary Peacock (b), Joey Baron (dms)

Label / Distribution : ECM

Un peu plus de deux ans après Now This, également paru sur le label ECM, Gary Peacock rappelle en studio ses compagnons de route Marc Copland et Joey Baron. Pour beaucoup, le contrebassiste a marqué de son empreinte, au sein des trios de Keith Jarrett, Bill Evans ou Paul Bley entre autres, la formule piano/basse/batterie. Mais on s’aperçoit une fois encore à l’écoute de ce disque que ses conceptions de la mise en place, de l’agencement des formes, sont toutes personnelles.

Le dialogue entre Gary Peacock et Marc Copland est de ceux que le temps a façonnés. S’ils n’en étaient pas alors à leurs premiers échanges, on se souvient - jalon marquant - du magnifique disque What It Says, paru il y a déjà 14 ans sur le label Sketch, et qui montrait la capacité des deux musiciens à faire un peu plus qu’interpréter un thème et improviser autour de lui. Il y avait une poésie faite de sous-entendus, d’harmoniques mêlées, d’un étrange mélange d’envolées désinhibées et de pudeur. On retrouve ces caractéristiques ici, la batterie de Joey Baron ne rompant aucunement avec cette expression libre et contenue.

Hormis les versions données de « Spartacus » (Alex North) et « Blue In Green » (Miles Davis), toutes deux d’une grande sensualité, le répertoire est constitué de compositions des membres du trio. Les ballades sont à l’honneur, on sait ces musiciens capables de les magnifier. C’est le cas ici, avec de somptueux morceaux comme « December Greenwings » ou « Tangents », sur lesquels les choix harmoniques du pianiste sont éloquents. Mais le trio sait aussi mettre en valeur son langage sur des rythmes plus soutenus, ce que montre le relatif empressement de « Cauldron », une pièce du batteur, ou le groove positif de « Rumblin’ », deux morceaux fort réussis qui contribuent à entretenir l’attention de l’auditeur au long de ce voyage hypnotique.

La matière apportée par Gary Peacock n’est pas étrangère à l’émotion que procure ce disque. Son écriture est lumineuse, sensible. Mais le contrebassiste a su ne pas s’en contenter, et les compositions de ses complices sont source de diversité, tout comme l’improvisation « Empty Forest », qui éclaire encore un peu plus la sagesse avec laquelle chacun des trois musiciens capte l’essence des deux autres pour inventer dans l’instant de remarquables fresques sonores.