Tribune

Jazz Migration étrenne ses habits #9

Présentation des quatre orchestres qui composent la sélection Jazz Migration #9.


En fin de semaine et au tout début du printemps, comme le veut une tradition désormais largement ancrée, le verdict est tombé pour les quatre groupes qui pourront bénéficier du suivi et des concerts proposés dans le cadre de Jazz Migration. Soucieux de la diversité et de la parité, le jury avait sélectionné quatorze orchestre révélés à la fin février, et le choix s’avérait difficile ; on note, une fois de plus dans cette sélection, la vivacité de la jeune scène jazz hexagonale et la présence de plus en plus remarquée de musiciennes à la tête des projets ou impliquées dans une démarche collective. C’est le cas des quatre orchestres sélectionnés pour Jazz Migration #9, avec qui nous vous proposons de faire connaissance.

Ce qui surprend d’abord, à l’écoute du quartet de la violoncelliste Adèle Viret, c’est la grande maturité de cette musique. Accompagnée de son frère Oscar Viret à la trompette, la jeune femme propose une musique légère, onirique, où les timbres proches de la voix humaine semblent nous raconter une histoire mezza voce. Entre Bruxelles et Paris, elle propose pour la première fois ses compositions après avoir déjà fait remarquer son archet aux côtés d’Aka Moon ou de Julien Pontvianne. À l’écoute du récent EP Esquisses, où le morceau « Made In » ressort comme le plus représentatif de la dynamique d’orchestre, entre clair-obscur de la base rythmique (remarquable Pierre Hurty à la batterie) et clarté lyrique de la trompette, on remarque, outre le talent de la violoncelliste, la grande rigueur du pianiste Wadji Riahi, musicien plein de promesses.


Témoins de la diversité stylistique qui a toujours été l’une des attentions premières de Jazz Migration, les Toulousains d’INUI proposent une musique vocale où l’électronique prend une large part, les claviers de Maya Cros baignant dans une atmosphère qui attirera les oreilles biberonnées à la Cold Wave. On retrouvera dans le quartet le batteur Dimitri Kogane et la chanteuse Valeria Vitrano qu’on avait déjà entendus dans le sextet Martine. C’est Clémence Lagier qui offre la seconde voix dans un premier EP Murmurations, qui fera songer de loin en loin au travail de Charming Hostess du label Tzadik ou aux polyphonies vocales balkaniques, la boussole pop montrant la direction choisie.


Avec Petite Lucette, la fête est déjà là. Joyeuse découverte de cette sélection, le quintet du Raffut Collectif s’apprête à nous faire danser jusqu’au bout du jour. La contrebasse de Pierre-Antoine Despatures est évidemment pour beaucoup dans cette cadence, mais c’est bien la dynamique d’ensemble qui donne toutes ses couleurs à Lucette, du vibraphone de Manon Saillard jusqu’aux anches de Clémentine Ristord en passant par la batterie de Matthieu Imbert et les claviers de Sylvain Fouché. Il y a beaucoup d’humour et de poésie dans ce quintet qui ne s’interdit rien, même pas le Hip Hop (« Orties et Fines Herbes »). Archétype de l’orchestre qui peut mettre le feu aux bals comme s’aventurer dans des atmosphères plus complexes, Petite Lucette se range dans une grande tradition des orchestres retenus par Jazz Migration, de Papanosh à Pulcinella. Après un premier album très abouti sorti en 2021, Lucette va faire des ravages.


Avec un esprit colemanien évident, le quartet Prospectus clôt cette sélection avec toute l’élégance qu’il convient. À Citizen Jazz, nous suivons depuis quelque temps le travail de la saxophoniste Léa Ciechelski, et le quartet où elle croise le fer avec Henri Peyrous, autre multianchiste, installe exactement l’atmosphère qui convient à la musicienne. Avec une base rythmique des plus solides, où le batteur Florentin Hay est parfaitement volubile et où la contrebasse de Julien Ducoin tient la maison, le quartet peut s’offrir toutes les libertés. Avec deux albums, sobrement nommés I et II, le groupe a déjà largement exposé toute l’ampleur de son talent, comme nous l’avions déjà souligné dans une chronique de l’an passé. Voilà un prospectus qu’il ne faudra pas interdire dans sa boîte aux lettres !