Chronique

Robin Antunes

Mons Tumba

Label / Distribution : Tchokotchok

Jeune violoniste talentueux repéré notamment dans les orchestres d’Ellinoa, Robin Antunes fait partie de ces musiciens qui s’inspirent des lieux autant que du temps qui passe. Des lieux et de l’Histoire, c’est ce qui constitue l’objet autant que la légende du Mont Saint-Michel, abbaye normande [1] qui se tient sur son rocher depuis un millénaire. C’est à cette occasion qu’une commande a été passée à Antunes pour célébrer ce moment : en avril 2023, onze musiciens de la jeune garde du jazz français (parmi lesquels Hector Lena-Schroll à la trompette ou Clémentine Ristord de Petite Lucette aux anches) ont investi les vieilles pierres pour faire sonner une suite où la mémoire se mêle aux envies de voyage. Mons Tumba, le Mont-Tombe, premier nom de l’Abbaye est donc le témoignage de cette diversité, où le « Mascaret » apporte avec lui en une vague toutes sortes de fantômes (« 600 Souls »). Pour accompagner le violon d’Antunes, on retrouve un quintet de cordes éblouissant composé notamment de Maëlle Debrosses à l’alto, de Juan Villarroel à la contrebasse ou des deux violoncellistes Adèle Viret et Juliette Serrad, au milieu des pierres.

Car les pierres sont le douzième musicien de cette œuvre qui oscille entre la musique contemporaine et la musique improvisée. À l’écoute de « Mégalithe », on comprend que chaque souffle, chaque scorie d’embouchure (impeccable trombone de Paco Andréo) se réverbère aux pierres pour insuffler un esprit omniprésent avec lequel jouent les improvisateurs. On pense à des expériences comme celles du Quatuor Machaut ou encore le Castel del Monte de Michel Godard qui jouaient avec les lieux ; mais là où la musique ancienne résonnait comme un antique palimpseste, Mons Tumba cherche l’intemporel. La musique jouée ici occupe avant tout les espaces, à l’instar de « Bab Al Ramel » qui réaffirme l’attachement de Robin Antunes au Liban et prône, en jouant avec le silence comme un peintre travaille les noirs profonds, une sorte de quiétude universelle, de la Manche à la Méditerranée.

C’est une œuvre majeure que nous propose le violoniste avec cette discrétion qui le définit. Mons Tumba est un de ces rares voyages aux yeux fermés qui vous emmène très loin sans bouger de votre fauteuil ; on pourrait recommander l’écoute au casque pour percevoir tous les détails, des flûtes de Christelle Raquillet (Tous Dehors) au cor d’Ariane Bacquet. Mais peu importe le média, l’enregistrement est tellement subtil qu’il vous emportera.

par Franpi Barriaux // Publié le 4 février 2024
P.-S. :

Robin Antunes (vl, comp, dir), Maëlle Desbrosses (vla), Adèle Viret, Juliette Serrad (cello), Juan Villarroel (b), Christelle Raquillet (fl), Clémentine Ristord (ss), Guillaume Guedin (cl, bcl), Ariane Bacquet (fh, hbt), Hector Lena-Schroll (tp), Paco Andreo (tb)

[1N’en déplaise, NDLR.