Chronique

Jean-My Truong

Sun Is Back

Jean-My Truong (dms), Leandro Aconcha (p), Pascal Sarton (elb), Antoine Boyer (g), Sylvain Gontard (bugle) + Hristo Vitchev (g), Etienne M’Bappé (elb), Juan Carmona (g), Nicky Wells (voc), Neyveli Radhakrishna (vln), Quatuor à cordes (Fanny Lévêque, Elena Mineva, Noémie Airiau, Clémence B. d’Estivaux).

Jean-My Truong a beau être talentueux, il n’en reste pas moins un musicien discret. Ses disques sont plutôt rares – comptez un tous les cinq ans environ – et résolument porteurs d’une lumière émanant d’une démarche personnelle qui voit le batteur concilier musique avec une approche philosophique de la vie où méditation et yoga occupent une place essentielle. C’est d’ailleurs ce qu’il explique dans un entretien récemment accordé à Citizen Jazz. Son parcours couvre déjà plus d’un demi-siècle et malgré ses allures de jeune homme, on est assez admiratif en pensant aux expériences déjà lointaines mais fondatrices que furent le free jazz de Perception (avec Didier Levallet, Siegfried Kessler et Yochk’o Seffer) au début des années 70 et, pour suivre, Zao ou Surya, ces deux dernières expériences lui ayant permis de côtoyer Didier Lockwood avec lequel il aura noué une amitié indéfectible. Bien des rencontres et des expériences ont suivi, y compris par un passage du côté de la variété (Indochine, Bashung). Après The Blue Light en 2012 et Secret World en 2016, voici donc Sun Is Back dont le titre est à comprendre comme le témoignage d’un retour en musique après une période difficile.

Les disques de Jean-My Truong disent des histoires de fidélité : on trouve en effet à ses côtés une cellule de proches qui sont sa famille musicale : Leandro Aconcha au piano, Pascal Sarton à la basse et Sylvain Gontard au bugle. Récemment, le jeune guitariste Antoine Boyer est venu se greffer à ce « noyau dur » dont la solidarité est bien réelle. Fidélité aussi à ses rêves qui l’incitent à faire appel à des musiciens, plus ou moins proches, mais auxquels il voue une grande admiration. Ici, ce seront Étienne M’Bappé (basse), le New Yorkais Hristo Vitchev (guitare électrique), Juan Carmona (guitare flamenca), l’Anglaise Nicky Wells (chant) ou Neyveli Radhakrishna (violon). Sans oublier un quatuor à cordes qui a bénéficié des arrangements de Leandro Aconcha. Voilà pour situer le cadre dans lequel a été conçu un répertoire écrit durant les longues semaines de confinement en 2020.

Il y a chez Jean-My Truong une forme d’œcuménisme en musique. Avec lui, le survol des continents vous emporte avec toute la légèreté requise par un voyage pacifié et les cultures cohabitent dans un espace empreint de douceur. Si le jazz reste la composante première de son univers, musiques classique, indienne, latino-américaine ou méditerranéenne sont au cœur de son langage de paix et de contemplation. Ne cherchez pas les turbulences tout au long des treize compositions qui forment ce disque refuge. Il n’y en a pas. Sun Is Back est traversé de mélodies aériennes, dont le tempo peut chalouper au gré de voyages suggérés, vers l’Afrique, l’Inde ou la Méditerranée ou lors d’une évocation de Rachmaninov. Le quatuor à cordes tisse une toile tendre et soyeuse, les solistes ont en commun la fluidité de leurs interventions (mention particulière à Hristo Vitchev). Jean-My Truong, tout autant acteur qu’admirateur de ses pairs, rayonne et déploie un jeu dont la présence constante est marquée par la gracilité de son foisonnement. Il n’est pas un cogneur, mais plutôt un chanteur des peaux et des cymbales. Ce qu’il nous confie à sa manière lors des deux dernières minutes de l’album en improvisant les onomatopées rythmiques indiennes qu’on nomme konnakol. Que la lumière soit !