Chronique

Jeanette Köhn & Swedish Radio Choir

New Eyes On Baroque

Jeanette Köhn (voc), Nils Landgren (tb), Johan Norberg (g), Jonas Knutsson (bs, ss), Eva Kruse (b)

Label / Distribution : ACT

L’amitié entre le tromboniste Nils Landgren et la soprano Jeanette Köhn est ancienne. Ils ont beau graviter tous les deux dans des sphères éloignées, l’un auprès de son Funk Unit, l’autre jamais loin de l’œuvre de Jean-Sébastien Bach, ils aiment à croiser leurs univers aux géographies pas si éloignées qu’on voudrait bien le croire. De la musique ancienne au jazz, de la voix au trombone, il n’y a jamais bien loin ; on a notamment pu voir les deux Suédois dans Christmas With My Friends III, disque de Landgren sorti chez ACT où l’on retrouvait la plupart des solistes qui éclairent ce New Eyes On Baroque.

Si ce dernier est signé Jeanette Köhn avec le prestigieux Swedish Radio Choir, on perçoit dès « Jesu Bleibet Mein Freude » de Bach que le tromboniste travaille dans l’ombre à l’équilibre entre les lignes claires d’un jazz de chambre et les ornementations foisonnantes des voix. Les visites incessantes des jazzmen chez les musiques anciennes, depuis des décennies, permettent de constater qu’il y a différentes façon d’aborder ce patrimoine, de la lecture très personnelle qui modèle la matière (à l’instar d’Edouard Ferlet) jusqu’aux excursions les plus exotiques. Avec le guitariste Johan Norberg et le saxophoniste Jonas Knutsson, Landgren choisit une solution intermédiaire s’appuyant sur les voix.

Cet attelage étrange et pourtant solide mène les mélodies de Bach, Haendel ou Purcell avec un naturel désarmant, à tel point que ces « nouveaux yeux » posés sur le baroque ont parfois la même focale que les anciens. À l’écoute de « When I Am Laid » de Purcell, les musiciens de jazz semblent si bien impliqués dans la lecture classique qu’il est difficile de les distinguer - jusqu’à ce que la bassiste Eva Kruse, remarquable, moire de rêverie la lumière messianique de la voix de Jeanette Köhn. Il n’y a guère de chose à reprocher à un disque que la beauté formelle submerge parfois (« Air on G-String » et son solo liminaire). Néanmoins, on en ressort avec une impression de superficialité, comme s’il manquait quelque chose. En s’attachant à un compositeur précis, comme Christian Muthspiel a récemment su le faire avec Dowland, Jeanette Köhn et Nils Landgren auraient peut-être moins donné dans le catalogue un peu factice des grands airs du baroque.