Chronique

John Surman

Words Unspoken

John Surman (ss, bs, clb), Rob Luft (g), Rob Waring (vib), Thomas Strønen (dms).

Label / Distribution : ECM

John Surman est un musicien immense autant qu’il est discret. On se souvient bien entendu du toujours incroyable album Thimar et, de manière plus générale encore, de ses œuvres qui figurent au catalogue ECM, où il émarge en son nom depuis Upon Reflection en 1979. Cette fois, toujours sur le label munichois, il enregistre en quarte, et celles et ceux qui accordent un œil attentif à la guitare auront très certainement remarqué la présence à ses côtés de Rob Luft, qu’on avait découvert avec Elina Duni notamment, avec une interprétation exceptionnelle de « Hier encore » d’Aznavour.

Bref, tous les éléments étaient convoqués pour avoir un très bel album. C’est incontestablement le cas. Ça l’est d’autant plus que Surman n’utilise pas de re-recording ici alors qu’il s’en était fait une spécialité et que ce genre de procédé pouvait heurter certaines âmes mélomanes. La configuration de Words Unspoken est en effet au jeu direct.

Sans trop de surprise, ces « mots non dits » révèlent un grand sens de la musique et ce quartet nord-européen nous amène dans des esthétiques plutôt évanescentes aux tempos très ralentis, à l’instar de l’éponyme « Words Unspoken » ou de « Flower In Aspic ». C’est quelquefois plus dansant – ainsi en est-il de « Onich Ceilidh » – mais fondamentalement, le climat est à la contemplation. On dira aussi, pour qui ne l’aurait pas deviné, que ces musiciens sont de véritables denteliers qui cheminent avec une précision d’orfèvres. En plus du guitariste anglais, le vibraphoniste Rob Waring, qui avait enregistré avec Surman Invisible Thread en 2018, est à la manœuvre tout comme le batteur Thomas Strønen. L’un et l’autre amènent évidemment des touches tout aussi délicates et graciles. C’est très beau, léché comme tout et ça émerveillera celui qui prend le temps d’écouter cette musique. En effet, on ne l’appréhende avec la profondeur qui lui sied que si l’on peut faire abstraction de tout le reste. C’est alors qu’elle se révèle avec le plus d’épaisseur.