Chronique

Linda Oláh

Solo

Linda Oláh (voc, elec, fx)

Label / Distribution : Autoproduction

L’exercice du solo pour une chanteuse est périlleux, même lorsque chaque inflexion de la voix est une histoire à part entière : un souffle, un murmure, un bruit de gorge qui se transforme en une ribambelle de sons qui peuvent être lancinants, vaporeux, inquiétants ou franchement psychotropes. La soliste vocale peut s’accompagner au piano, traditionnellement ; mais Linda Oláh nous l’a expliqué dans son interview, elle est violoniste, et c’est moins aisé. Ce sont donc les machines qui la séduisent depuis des années, et c’est avec elles que la Suédoise a bâti son univers, plein de chimères et de chaleur. Les pédales et les boutons modèlent une réalité plus fantasmatique que virtuelle. On s’en aperçoit lorsqu’elle chante sur le troisième mouvement du solo une phrase entêtante hérissée d’effets et de saturation où les cordes vocales deviennent presque abrasives.

La machine n’est qu’un artefact ; Linda Oláh est avant tout une passionnée de son. On perçoit, dans le déroulé d’un album court qui cherche plus le climat que la performance, que ce qu’on entend est impalpable. C’est une question d’instant, d’environnement, de mille et une conditions aléatoires qui assemblent les timbres et procèdent à une forme abrupte de narration. Ainsi, « 6 » est une respiration apaisée, presque planante. On perçoit néanmoins qu’il suffirait d’y adjoindre un bip plus ou moins irrégulier pour la rendre terrifiante et déshumanisée. La vocaliste est toujours sur ce fil, se préoccupant conjointement de son équilibre et de sa mise en danger, mais s’offrant également quelques plages de douceur, à l’instar du septième mouvement, mélodie miniature chuchotée comme à soi-même qui n’émousse pas la radicalité du propos - au contraire, elle lui donne du relief.

Paru en Suède et disponible essentiellement sur son site, le solo de Linda Oláh permet de juger d’une forme de work in progress fascinant. L’approche des machines soit à peu près dénuée de références à la musique électronique : c’est rafraîchissant et tout en aspérités. Il n’y a pas de recherche de pulsation, et même si globalement les drones et et les sons acides rappellent certaines expériences ambient, c’est une musique neuve et pleine d’images qui nous est proposée ici. Le tout, en prime, dans une pochette ouvragée qui fait de l’objet disque un contenant égal au contenu : quelque chose de précieux.