Chronique

Joachim Govin

Present

Joachim Govin (cb), Gautier Garrigue (d), Ben van Gelder (as), Tony Tixier, Enzo Carniel (p ), Ellinoa (voc)

Label / Distribution : Fresh Sound Records

La formule est éprouvée mais elle reste d’une grande efficacité : une carte blanche de plusieurs soirs durant laquelle un trio de base, en l’occurrence constitué de Gautier Garrigue et Ben van Gelder en plus de Joachim Govin qui mène ce projet, s’adjoint des invités et développe un répertoire qui finit gravé en un album. Efficace car, non contente de donner beaucoup de liberté à celui qui en est le destinataire, la carte blanche permet une captation « live » et donc de pérenniser un moment musical pris sur le vif.

On avait déjà rencontré Joachim Govin avec un précédent album, Elements, qu’il avait enregistré (déjà) avec Tony Tixier, Gautier Garrigue et le phénoménal Ben van Gelder, saxophoniste alto ultra-doué. Le répertoire était constitué de compositions originelles et de standards. Present est du même acabit : le concert est en partie constitué de reprises de morceaux présents sur Elements. On y trouve notamment « Cycles », une superbe composition que Ben van Gelder avait écrite pour le premier album, ou encore le très envolé « Denial of Love ». Du même acabit donc… encore que ! puisque sur les dix morceaux de l’album, sept ne figuraient pas sur le précédent. En fait, et de manière bien plus fondamentale, c’est parce que cette articulation entre compositions originelles et standards est au cœur de la conception musicale de Joachim Govin qu’elle en est programmatique. Le jazz s’écrit au présent – d’où le titre de ce disque – car il est un incessant aller-retour avec le passé, et les standards en sont les vecteurs sinon les médiateurs. C’est ainsi qu’on trouve « All the Things You Are », « Prelude to a Kiss » - où Ellinoa troque les vocalises dont elle use par ailleurs pour un chant qui tombe pile poil – et « Mrs. Parker of KC ». Et puis – et c’est un autre des apports singuliers d’Ellinoa – figure dans ce répertoire « Unison », reprise de Björk qui ne détonne pas, loin de là. Et c’est, là encore, une illustration de cet incessant aller-retour entre tradition et présent dont est faite la musique de ce disque, filiation dans laquelle on trouvera, et sans qu’aucun ne pâtisse de la comparaison, Ambrose Akinmusire, Aaron Goldberg, Rotem Sivam et toute cette palanquée d’illustres musiciens new-yorkais.