Chronique

MN Big Band

Gainsbourg and Jazz

Label / Distribution : Inouïe Distribution

On a souvent entendu dire que Gainsbourg avait lorgné du côté du jazz et un certain nombre de musiciens du genre ont revisité le répertoire de l’homme à la tête de chou. Dernièrement, c’est la chanteuse Laura Littardi qui s’y est employée et a sorti Gainsbourg etc. Cette fois c’est le MN Big Band, emmené par son fondateur le saxophoniste Matthieu Notargiacomo, qui s’y est frotté. On a bien entendu déjà croisé cet orchestre, notamment à l’occasion de son précédent disque Voyage intérieur. Or, si l’album autour de Gainsbourg est le dernier en date, il s’agit pourtant du projet par lequel Notargiacomo a initié ce format. Grand format, faudrait-il préciser, puisque la formation émarge à la fédération du même nom mais aussi parce que Gainsbourg and Jazz est un double album : le premier volet est en effet un patchwork consacré à un certain nombre de chansons depuis « Le Poinçonneur des Lilas » jusqu’à « Le Fossoyeur de Pacy-sur-Eure » – morceaux venant en écho l’un de l’autre, tant du point de vue de la construction mélodique et harmonique que de l’histoire de trous – tandis qu’un second est entièrement consacré à Histoire de Melody Nelson.

On trouvera ici bon nombre de tubes, dont « La Javanaise », « Ma Lou Marilou », « Sea, Sex and Sun », mais aussi un certain nombre de chansons beaucoup moins connues, parmi lesquelles « Friedland » et « Le Fossoyeur de Pacy-sur-Eure ». Mais l’intérêt de l’album tient avant tout au traitement en grand orchestre de ce répertoire, et c’est Chloé Cailleton qu’on trouve aux avant-postes. Elle s’émancipe largement de la voix tabagique originelle et donne, sans surprise, une texture bien plus limpide au chant. Quant à l’orchestre, il développe, sans surprise non plus, beaucoup de volume.

Les arrangements sont somme toute assez classiques, à l’image de « Sea, Sex and Sun » retravaillé dans une esthétique qui flirte très volontairement avec un jazz New-Orleans du début du XXe s. Clarinette, bugle et trompette virevoltent allègrement comme à « la belle époque ». Quasiment systématiquement, tout se déroule de manière tonitruante. À tel point que, quelquefois, on mesure la liberté que Matthieu Notargiacomo a prise avec la version chantée par Gainsbourg. C’en est ainsi de « Sorry Angel » où l’orchestre saccade et syncope quand Gainsbourg s’excusait sur un registre de slow. D’autres fois, à l’image de « L’Eau à la bouche », les arrangements sont plus fidèles.

Ces questions ont dû être posées lors de la conception de ce double album. Mais, fidèle (copié-collé, diront les grincheux) ou plus libre (irrespectueux, diront les mêmes), peu importe car on retrouve avec beaucoup de plaisir une palanquée de chansons dans un traitement réjouissant.

par Gilles Gaujarengues // Publié le 28 novembre 2021
P.-S. :

Chloé Cailleton (voc), Matthieu Notargiacomo (as), Vincent Périer (ts, cl), Jean-Alain Boissy (ts), Rémy Jacquet (bs), Baptiste Sarat (tp, bugle), Julien Bertrand (tp, bugle), Franck Boyron (tb), Félix Edouard (tb), Rémi Ploton (p), Brice Berrerd (cb, b), Francis Decroix (d)