Les Grands Formats sacrés à Reims
La fédération Grands Formats attend les premières feuilles d’automne pour annoncer sa rentrée
Atomic Flonflon de l’OrphiCube.
C’est devenu traditionnel, la fédération Grands Formats attend les premières feuilles d’automne pour annoncer sa rentrée. Cette année, c’est dans la capitale champenoise, que les rencontres professionnelles se sont déroulées, ainsi que de nombreux concerts d’orchestres programmés dans le cadre du formidable festival Sunnyside qui a comme son nom l’indique conservé le soleil. En deux jours, c’est la compagnie Sonart de David Chevallier, l’Orphicube d’Alban Darche et le Kollectiv de Franck Tortiller qui se sont succédés. Une certaine manière de montrer la diversité et l’excellence des grandes formations à l’heure où plus de 50 ensembles ont rejoint l’organisation et où un European Network est entrain de se construire.
Reims, son architecture art-déco et sa multiplicité de lieux accueillant semble être un endroit rêvés pour les festivals de jazz, ce que la structure Jazzus a bien compris : pendant une quinzaine de jours, les concerts de Sunnyside se suivent avec des esthétiques diverses. Lien logique : la diversité est justement la force de Grands Formats. Ce ne sont pas les chansons de Björk visitées et hybridées de musique baroque par David Chevallier et son équipe de musiciens férus d’instruments vénérables qui indiqueront le contraire.
Dans le temple protestant de Reims, avec ses ogives, ses bancs encaustiqués et son décalogue, le cornet à bouquin de Judith Paquier et les serpents de Volny Hostiou peuvent à merveille habiller la voix d’Anne Magouët dans une légère réverbération idéale. Voici plusieurs années que le projet tourne, et chaque fois l’auditeur entend des choses nouvelles. Il créé intimement des accolades entre Purcell et la fée islandaise dont on attend plus qu’elle se manifeste pour entendre cette incroyable musique sur disque. On l’aime depuis suffisamment longtemps pour qu’elle nous fasse se cadeau !
- Orphicube © Franpi Barriaux
Le lendemain, après un colloque où la nomination de Franck Riester, rapporteur parlementaire du Centre National de la Musique de Sarkozy en 2011, était dans toutes les têtes et les prises de parole, le centre Saint Exupéry faisait salle pleine pour accueillir un double plateau de Grands Formats.
Cette année, c’est l’Orphicube d’Alban Darche qui ouvre le bal. C’’est vrai que d’un « Paso-Doble » mené par Didier Ithursarry à un tango où les anches (Darche, Donarier, Payen) ne demandent qu’à être saisies, l’envie de danser est parfois là. Avec Chloé Cailleton au chant, dont on ne cessera de dire qu’on est ravi de l’entendre dans ce contexte, qu’elle donne une leçon de solfège ou qu’elle diffuse un peu de « Saudade » ou d’« Opium », c’est un sentiment de nostalgie et de poésie chère à toutes les déclinaisons du Cube qui prédomine. Une relecture débridée de chansons populaires mi-imaginaire ravissante et impeccable.
- Tortiller Collectiv © Franpi Barriaux
Changement de cap avec le Collectiv, dirigé par Franck Tortiller. Non que la destination diffère, il s’agit pareillement de faire sonner un grand orchestre avec des arrangements malins et une dynamique, justement, collective.
Pour le vibraphoniste, ancien directeur d’un bel ONJ et membre du Vienna Art Orchestra, c’est entouré de soufflants que l’aventure continue. On est emporté par la puissance, rangée dès le départ sous l’égide de Mingus (« Hobo Ho », remarquable de souplesse) et des substances électriques de Miles qui poussent à l’ombre des nombreuses suites où circulent une belle énergie. Manifestement, Tortiller s’amuse bien qu’il soit très concentré dans une direction implicite et garante de liberté. De celles que Pierre Bernier (ténor) ou Léo Pellet (trombone) saisissent sans se faire prier.
On est intéressé par la relation privilégiée entre Franck Tortiller et cette génération dont est issu son fils Vincent Tortiller qui fait des miracles à la batterie. Des jeunes gens qui jouent intensément et avec rigueur tout en apportant une grande fraîcheur à l’instar des interventions vocales du violoniste Yovan Girard, dont on découvre le flow travaillé, très documenté auprès du Hip-Hop britannique.
La famille des grands formats n’a artistiquement aucun soucis à se faire sur leur vivacité. Reste désormais aux pouvoirs publics à entendre la richesse qu’il y a à posséder une telle palette de propositions artistiques. Pour cela, il convient d’être vigilants et réactifs.