Entretien

Matthieu Donarier (3) - Les noces d’étain

Membre de plusieurs groupes de premier plan, il est aussi et surtout leader d’un trio qui fête son dixième anniversaire en s’offrant l’enregistrement d’un album public. Entretien, suite. (Lire le début).

Le saxophoniste, membre de plusieurs groupes de premier plan, est aussi (et surtout) le leader d’un trio qui fête son dixième anniversaire en s’offrant l’enregistrement d’un album en public dans les Pays de la Loire. Entretien, troisième partie. (Lire le début).

  • En quoi les projets menés en parallèle (Kindergarten, Unit) ou auxquels vous participez (Baby Boom, Le Gros Cube, Caratini Jazz Ensemble, Stéphane Kerecki trio, Le Sacre du Tympan, Gabo Gado) influencent-ils ce trio ?

Je dirais tout d’abord que le fait de côtoyer de près des individus très créatifs est enrichissant. C’est souvent à travers ce que font les autres qu’on entrevoit la possibilité de « faire autrement ». La musique (et à plus forte raison la musique « improvisante ») est un territoire où chaque situation peut être exploitée de différente façon par chacun. Il y a donc autant de mondes artistiques que d’individus, et on a tous beaucoup à apprendre. Ça tombe bien !

Au sujet de la composition, je dois mentionner un fait particulier qui répond aussi à la question : j’ai la chance de jouer depuis plusieurs années les musiques de Gabor Gado et d’Alban Darche, deux compositeurs de grande envergure, tous deux extrêmement prolifiques… Jouer leurs morceaux m’ouvre des portes. En tout cas, l’émulation réelle est essentiellement d’ordre humain. Dans la musique elle-même, le but étant de nous exprimer chacun tels que nous sommes, les esthétiques s’alimentent, mais les répertoires et les groupes gardent leurs différences. En fait nous cherchons tant à nous influencer les uns les autres dans le bon sens qu’à exprimer nos profondes différences sur le plan créatif…

M. Donarier © H. Collon/Vues sur Scènes

- Récemment, vous avez joué et enregistré avec d’autres saxophonistes dans des petites formations (Tony Malaby au sein du trio de Stéphane Kerecki, Christophe Monniot dans le Baby/Bonus Boom de Daniel Humair). Qu’est-ce qui ressort de ces rencontres ?

Beaucoup de plaisir, des concerts et des albums. En fait, que mon partenaire joue de la guimbarde, danse, récite des poèmes ou utilise des traitements électroniques… c’est secondaire, car la musique est surtout très animale et intuitive… D’ailleurs, l’existence de musiciens comme Tony Malaby ou Christophe Monniot le prouve bien, non ? Ce sont des gens qui comptent beaucoup pour moi. Leurs mondes musicaux sont profonds. Et jouer avec eux est un pur bonheur. C’est l’aventure aussi, car (et ça rejoint votre question) quand on se rend compte qu’on joue tous les deux du sax, c’est que quelque chose cloche et qu’il y a mieux à faire… !

  • Vous faites partie de ces musiciens professionnels qui ne vivent pas à Paris et jouent beaucoup en dehors de nos frontières. Pensez-vous que le monde du jazz est trop centralisé ?

Je pense qu’on en voit surtout la partie la plus centralisée ; celle qui est sous les projecteurs n’est pas forcément la plus dynamique ni la plus constamment créative. On en voit aussi la partie la plus médiatisée, mercantile, stéréotypée… Ce qui se passe aujourd’hui en Europe en matière de jazz, de musique vivante, improvisante, audacieuse, est très fort. Tony Malaby me disait en septembre, lors d’une discussion sur ses séjours de ce côté-ci de l’Atlantique : « Hey, man, it’s really happening here ! ». Ce que j’ai pu voir lors de mes déplacements et ce que j’écoute sur des sites, des albums, Myspace, etc. me le prouve : l’élan de créativité (et le niveau de jeu) des jeunes formations de jazz (je veux dire les 20-25 ans) en Europe est réellement impressionnant, et le public est là. Pour moi c’est ça, surtout, le monde du jazz, même si les canards n’en parlent pas (puisqu’ils ne peuvent pas parler de tout : il y a trop de choses qui se passent hors de leurs yeux).
Après il y a des sphères, des réseaux, qui peuvent être considérés comme trop ceci ou trop cela, c’est sûr… Ça fait aussi partie du monde du jazz, mais pas du domaine artistique.

  • Enfin, même si ce projet n’est pas encore abouti, à quoi pensez-vous pour les quelques prochaines années, sur le plan professionnel ?

Tourner avec le trio. Créer plusieurs projets avec Kindergarten et différents invités de choix. Travailler la musique avec la danse, l’acrobatie, le fil. Ecrire beaucoup de musique pour des formations différentes. Monter une création de plus grande envergure incluant de l’image, de la diffusion, de l’électronique et du texte…