Scènes

Moutin Factory Quintet

Festival Estival de Trélazé, 25 août


Photo Ch. Charpenel

Les frères Moutin, ensemble ou séparément, impressionnent n’importe quel spectateur par leur engagement physique.

Dès l’entame du deuxième morceau, Louis se lance par exemple dans un solo de batterie massif, de ceux qui concluent plutôt les concerts. Grimaçant, la mèche folle, il mouille aussitôt sa chemise tandis qu’à ses côtés, François, accroché à son manche et affichant des expressions similaires (géméllité oblige), tire les cordes, les fouette d’une main, les écrase de l’autre. Constamment en mouvement, les bras immenses, simiesque dans la pose, il se courbe comme pour passer devant sa contrebasse et la contempler. Derrière l’énergie, la subtilité et la maîtrise sont, évidemment, perceptibles, mais le simple spectacle d’une des paires rythmiques les plus célèbres de l’Hexagone se suffirait à soi-même tant cet enthousiasme est communicatif.

François Moutin, photo Christophe Charpenel

Le message : “si on jouait à jouer ?”

Le Moutin Factory Quintet réunit à leur initiative le piano cérébral de Jean-Michel Pilc (en remplacement de Thomas Enhco, plus sagement lyrique), les saxophones (alto et sopranino) de Christophe Monniot et la guitare évanescente et métallique de Manu Codjia. À eux cinq, ils ont, sur presque deux heures, emporté l’adhésion d’un public pas forcément préparé à une telle bacchanale sonore.

Il faut arriver au moment de leur duo-jumeau (selon leurs propres termes), un hommage ludique à Ornette Colerman (“Ramblin’”), pour comprendre que ce qui intéresse réellement les frères Moutin dans le jeu musical c’est… justement le jeu - l’échange, la fraternité, la convivialité que cette activité induit et provoque. Le reste du concert en est la démonstration. Même si leurs compositions simples et efficaces sont loin d’être futiles (les climats sont travaillés et la dramaturgie du spectacle respectée), ils se jettent à corps perdu dans l’action sans cesser d’échanger des regards entendus. Leurs compères les suivent de près et ne s’en laissent pas conter.

Louis Moutin, photo Christophe Charpenel

Chacun a d’ailleurs droit à un moment de bravoure : Codjia résout le paradoxe d’un solo à la fois bruitiste et mélodieux, Pilc nous émeut lors d’une ballade subtilement fuguée, Monniot s’envole dans des pépiements capiteux et euphorisants. Si cette grande virtuosité a pu en dérouter quelques-uns, elle se met néanmoins au service d’un lâcher-prise contrôlé qui enivre joyeusement l’auditeur. Par certains côtés, cette approche rappelle d’ailleurs le quartet actuel de Wayne Shorter par sa manière de danser autour d’un thème, de l’effilocher, de le déliter ; ici les musiciens le font virevolter dans une tension progressive, puis ils le libèrent soudain par à-coups intenses et lumineux. Un exercice d’acrobatie pour une musique physique et généreuse.