Entretien

Matthieu Donarier (1)

Première partie de l’entretien autour des dix ans de son trio, de l’enregistrement live du prochain disque, du jazz en général…

Les noces d’étain…

- Pourquoi avoir décidé d’enregistrer un album live ?

Pour plusieurs raisons qui proviennent toutes du même fait : le groupe aura dix ans cet hiver. J’ai choisi d’enregistrer live car : jouer sur scène est notre réalité, notre terrain d’expression depuis dix ans, c’est là qu’on exprime et qu’on cherche ensemble dans l’instant. Sur certains projets, il est important de pouvoir se parler entre les prises, pour réfléchir et orienter le processus ensemble, mais pour ce groupe-ci, « l’instantané » du live permet plus de choses. Pour une bonne part, le répertoire n’a pas été enregistré sur le premier album, OpticTopic, qui ne comportait volontairement que des compositions ; or, depuis le début, le groupe alterne entre compositions personnelles et reprises : chansons, pièces classiques ou du XXe, chants traditionnels, ou encore morceaux de Police et de Bob Marley… Monk et quelques standards, également. Ces reprises ayant déjà une longue vie sur scène, il ne fallait surtout pas les enfermer en studio avec de la moquette partout. Cet enregistrement sera donc un peu « rétrospectif » car nous allons enregistrer des pièces datant de toutes les époques de la vie du groupe, certaines récentes, et même inédites.

- Comment et pourquoi avoir choisi ces salles ?

Ces trois salles [1] sont une petite partie du réseau des scènes de jazz en Pays de Loire, le CRDJ. Comme elles ont l’habitude de travailler ensemble, je leur ai soumis l’idée et elles l’ont acceptée. Il se trouve que j’ai grandi à Saint-Nazaire mais ce n’est pas décisif ! Ce qui rend le projet possible, c’est plutôt le choix de l’activité en région, que nous défendons avec Yolk depuis un bon moment, ainsi que l’investissement du CRDJ. J’oubliais : ces salles sonnent bien !

Matthieu Donarier
© Michel Laborde, 2008

- Qui se charge de l’enregistrement et avec quels moyens techniques ?

C’est notre ami Boris Darley qui va voyager avec nous, avec le maximum de matériel dans un minimum de bagages… Boris est le quatrième homme du trio : nous nous connaissons bien, nous explorons les mêmes directions avec des moyens complémentaires ; c’est donc une aubaine qu’il soit présent.

- Le disque sera-t-il entièrement constitué des prises live ou bien rajouterez-vous des plages en studio ?

Pas de prises en studio, mais certainement des prises live en journée, pour certaines pièces récentes nécessitant plusieurs prises, pour des improvisations spontanées ou des compositions du jour même… ça arrive. Dans les moments libres de la journée, rien ne nous empêche d’enregistrer sur scène sans public : parfois c’est plein de musique une salle vide…

- Dix ans, c’est une belle vie pour un trio.

Si, au bout de dix ans, les membres de ce groupe ont toujours envie d’explorer ensemble c’est, j’imagine, parce que nous nous complétons et que nous trouvons du plaisir et du sens à construire patiemment de la musique, puis de la projeter de manière instantanée au public. La musique que j’écris semble intéresser mes deux acolytes, j’en suis honoré !

- Ce nouveau projet, ce nouveau disque sortira sur le label Yolk, collectif dont vous êtes l’un des membres actifs. Or, en cette période trouble de crise économique et de révolution numérique (et juridique), comment en envisagez-vous la production et la diffusion ?

Sereinement ! Nous savons quel type de produit nous fabriquons et comment nous positionner aujourd’hui : nous faisons des séries assez limitées, 1000 ou 2000 exemplaires, avec une véritable attention portée au contenu et à « l’objet CD ». Les albums qui sortent sont choisis à l’unanimité du bureau - l’enthousiasme collectif est donc le moteur premier - et nous travaillons « à l’équilibre » économique du label… Je m’explique : nous ne vendons pas des albums pour gagner de l’argent mais pour graver du son et le faire partager, en proposant aux gens un objet qui leur permette d’écouter la musique chez eux… Rien de plus, l’objectif économique étant simplement d’en vendre assez pour compenser les frais et préparer le prochain disque. Ce n’est pas une démarche marchande, mais culturelle.

C’est pourquoi Yolk vend ses disques 10€ [2] en ligne et aux concerts. Le label est aussi distribué par Anticraft en France et NRW en Allemagne, les disques sont disponibles dans les bacs (à un prix plus élevé donc) ou en commande chez les détaillants ; Yolk tisse également des liens à l’échelle européenne, avec d’autres labels… Une série d’albums est également en téléchargement payant sur plusieurs sites. Tous les outils actuels sont utilisés pour la distribution. D’autres projets sont en cours pour ce qui est de la diffusion de notre production…

par Julien Gros-Burdet , Matthieu Jouan // Publié le 19 janvier 2009
P.-S. :

Entretien deuxième partie : lire la suite

[1Le Fanal, le Pannonica et l’Espace Culturel de l’Université d’Angers.

[2Double albums : 12€, album + DVD : 15€