Chronique

PAn-G

Futurlude

Label / Distribution : Autoproduction

Le Pangée est l’agglomérat natif de tous les continents. Toutes les cultures et chacun des points cardinaux soudés avant la dérive irrémédiable. Est-ce une bonne définition de PAn-G, l’orchestre du Collectif Loo et de sa musique naturellement et farouchement universaliste ? Évidemment ! Quand on est emporté par la vague d’excitation qui saisi « M’Baracudja », on s’en persuade sans peine. C’est orgiaque : on se déplace en un instant d’un crissement simple et brut des cordes de la contrebasse d’Alexandre Perrot, empesées d’objets, à un délice d’arrangement de cuivres. Les contrepoints ouvragés sont l’oeuvre du tromboniste Aloïs Benoit, qui signe la plupart des morceaux ; pas de couture, aucune sensation de zapping. Juste une progression fort bien conduite qui nous transporte en tout lieu sans nous perdre en route. On est tenté de s’en remettre à Zappa dans ce maillage inextricable de timbres et de rythmes où l’on danse en n’oubliant pas de penser. Indéniablement, le vibraphone de Romain Lay et la guitare de Thibault Florent n’y sont pas étrangers. Ils font bon ménage avec le Fender de Yannick Lestra qui n’est pas là seulement raison de l’air du temps et des modes électriques. Ensemble, ils bousculent les constructions subtiles et les conventions avec une électricité explosive : Futurlude ne se réclame guère du Présent, à peine joue-t-il avec lui. Sur « Hugues » qui est un véritable dédale de références complexes, le clavier est un véritable détonateur.

Car Zappa est une figure tutélaire parmi d’autres, même si elle constitue une colonne vertébrale nécessairement souple. Au fur et à mesure que le disque se dévoile, on découvre une multitude d’influences. Les délices de la musique répétitive chère à Steve Reich et à un nombre croissant de grands orchestres contemporains, mais aussi un rock débridé et agressif sous la férule du batteur Ariel Tessier. Ce dernier vient faire trembler les murs et emballer la machine lorsqu’elle semble avoir pris le parti de l’abstraction. A ce jeu, les saxophones de Thomas Letellier et de Rémi Fox, comme la trompette de Gabriel Levavasseur sont des alliés de poids et de précieuses courroies de transmission ; toujours entre deux pôles, à chatouiller les atomes. Si PAn-G est un vecteur de puissance et de jouissance, ce n’est pas l’unique gamme sur laquelle le groupe sait s’exprimer. Ainsi « Echo du Silence », dédié aux disparus de Charlie Hebdo, est une marche funèbre qui déambule dans une nuit épaisse où la clarinette basse de Jean Dousteyssier est un guide apaisant.

Il démontre surtout le grand talent d’écriture et d’arrangement d’Aloïs Benoit, servi par des musiciens remarquables. Pourtant la dynamique collective fait vite oublier la notion de leadership  ; sur la pochette où une seule tête se nourrit de toutes les autres, même les noms des musiciens passent au second plan. On dira vraisemblablement, dans quelques années, que Pan-G est le groupe de la génération d’après. Postérieure à Radiation 10 et Ping Machine dont les ombres planent avec insistance. A la suite de l’Orchestre National de Jazz actuel aussi, qui a décidément décomplexé bon nombres de jeunes créateurs et permis à Dousteyssier de tant cheminer. Les dix de PAn-G sont le futur. Ils le savent et s’amusent follement avec. Notre seule envie est de rentrer dans la ronde pour jouer avec eux, avec un enthousiasme débordant.

par Franpi Barriaux // Publié le 5 février 2017
P.-S. :

Aloïs Benoit (Euph, tb, comp), Jean Dousteyssier (cl, bcl), Thibault Florent (g), Rémi Fox (as, ss), Romain Lay (vib), Yannick Lestra (cla), Thomas Letellier (ts), Gabriel Levavasseur (tp, flh), Alexandre Perrot (b), Ariel Tessier (dms)