Chronique

Possible(s) Quartet

Gymnostrophy

Rémi Gaudillat (tp), Fred Roudet (tp), Loïc Bachevillier (tb), Laurent Vichard (clb).

Label / Distribution : Les ImproFreeSateurs

On retrouve ici avec un plaisir intact et toujours aussi exquis un quatuor qui nous enchante depuis plus de dix ans, si l’on admet que l’histoire du Possible(s) Quartet commence avec Le Champ des possibles, publié sous le nom de Rémi Gaudillat. Voilà une musique de chambre tout en respiration, sans la moindre corde autre que sensible, adepte d’une conversation ludique et prête, s’il le faut, au détournement de répertoires venus d’ailleurs (ainsi, Songs From Bowie en 2019, petit régal de reprises du chanteur anglais). Depuis ses origines, le Possible(s) Quartet fait montre d’une singularité qui n’a d’égale que sa créativité dans la réalisation de son Orchestique. Parfois, une « augmentation de capital » humain est à l’ordre du jour, qu’il s’agisse de se frotter à une source plus électrique comme la guitare de Philippe Gordiani (Electric Extension en 2020) ou de faire appel à un élément extérieur pour confronter son univers à celui qu’élaborent Rémi Gaudillat, Fred Roudet (trompette), Loïc Bachevillier (trombone) et Laurent Vichard (clarinette basse). Sophia Domancich était ainsi venue en 2022 participer à la fête de No Work Songs.

La bande des quatre est de retour et la seule lecture du titre de leur nouveau disque, Gymnostrophy, laisse deviner qu’il y aura une fois encore du jeu dans l’air. Du jeu dans tous les sens du terme. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de faire dialoguer la musique d’Erik Satie et celle de Thelonious Monk. Un drôle de pari, stimulant au possible du fait des deux fortes personnalités concernées, mais qui trouve très vite une résolution dont l’évidence saute aux oreilles. Ainsi « Gnossienne de minuit » est de ces compositions qui vous font dire : « Bon sang, mais c’est bien sûr ! ». Il ne reste vous plus qu’à savourer ce glissement progressif du plaisir entre « Round Midnight » et la « Gnossienne n° 1 » et à comprendre que, au-delà de son évident sens de l’humour (celui qui vous fait trouver un titre tel que « Gnomienne » par exemple), le Possible(s) est l’affaire de musiciens non seulement en pleine possession de leurs moyens, mais aussi capables de ne pas surligner le sérieux et la rigueur de la démarche pour mieux exprimer la jubilation qui est la leur (et la nôtre, ce faisant). Les répertoires se croisent, fusionnent, les thèmes empruntés aux deux maîtres s’enrichissent ici de compositions originales aux allures de sœurs jumelles. On s’y perd avec bonheur.

Gymnostrophy, bien loin d’un exercice de style, est une déclaration d’amour qui dépasse largement le cadre imposé par les mondes singuliers de Satie et Monk. C’est un disque dont l’intelligence n’est pas la moindre des qualités. Le Possible(s) Quartet en a à revendre, c’est le moment d’en profiter.