Chronique

The Workshop

Conversation With A Drum

Stéphane Payen (as), Olivier Laisney (tp), Guillaume Ruelland (b), Vincent Sauve (dms)

Label / Distribution : Onze heures onze

Voici quinze ans que Stéphane Payen explore les polyrythmies dans deux formations marquantes de ce début de siècle. Il fut le leader de Thôt. On y retrouvait bon nombre de musiciens influencés par Steve Coleman et Aka Moon. Il est par ailleurs l’alter ego de Sylvain Cathala dans Print. Depuis trois ans, le saxophoniste, également pédagogue, perpétue avec The Workshop sa réflexion sur les rythmes du monde, et plus précisément d’Afrique subsaharienne. Conversation With A Drum en est un premier volet, exclusivement composé par lui, en forme de panorama. Pour ce quartet, il rassemble des musiciens de la jeune génération rompus à ce langage et qui, d’ailleurs, se nourrissent aussi, dans leurs groupes respectifs, de cette même esthétique.

Le trompettiste Olivier Laisney est peut être le plus novice de cette galaxie, mais il pose à merveille son timbre chaleureux et pugnace. Sur « Sesirnu », il apporte la lumière dans une atmosphère à la dense pénombre entretenue par les coups de boutoir du bassiste Guillaume Ruelland. Celui-ci a déjà exposé sa rigueur et sa solidité au sein du Kami Quintet. Quant au batteur, Vincent Sauve, on remarque depuis plusieurs années la plasticité de son jeu au sein du très urbain Fada et de The Khu, dont la proximité avec ce quartet est patente. « F-ire Steps » en est un parfait exemple, qui se construit sur une fusion progressive des soufflants avec la basse avant que la batterie n’atomise l’amalgame en brisures impaires.

Le postulat de Conversation With The Drum est celui du nécessaire point d’étape. Regarder en arrière en convoquant les traditions étudiées et transcendées par le jazz, depuis toujours. En témoigne, sur « City », un échange entre Laisney et Payen qui laisse à penser qu’ici, l’héritage colemanien ne se limite pas à Steve... Le bilan consiste aussi, de manière ciblée, à faire encore mûrir les voyages initiatiques auprès des pygmées Aka et des tambours sénégalais, dans les années 90, en les frottant aux formules actuelles, via notamment le Red Quartet ou le Kami Quintet (« Lyon Part One »). La synthèse se trouve sur l’étourdissant « Nine To Hate », dédié à la contrebassiste Sarah Murcia et sommet de cet album. La grosse dynamique de la basse, qui donne un mouvement impeccable aux tutti de ses comparses, confirme que cette conversation avec le tambour concerne davantage les ondes pulsatiles du rythme que l’instrument en lui-même. Cette discussion peut être infinie ; elle restera passionnante.