Chronique

Reggie Washington

Lot Of Love. Live !

Reggie Washington (elb, b), Ravi Coltrane (ts), Gene Lake (dm), Erwin Vann (ts), Stephane Galland (dm)

Label / Distribution : Jammin’ Colors

L’amour fait parfois bien les choses.
Et c’est l’amour qui a amené Reggie Washington à Bruxelles. On comprend mieux, dès lors, le choix du titre de cet album enregistré en public : Lot Of Love. Live !

Ce disque est le témoignage d’une série de concerts donnés en Belgique avec deux trios inédits. Un « américain » Ravi Coltrane (ts) et Gene Lake (d) et un « européen » Erwin Vann (ts) et Stéphane Galland (d).

Bien que Reggie Washington propose deux visions de sa musique, l’ensemble reste très homogène. Ici, le groove, comme fil rouge, agit aussi comme un liant très efficace.

Le mélange des deux trios est d’ailleurs subtilement et intelligemment agencé, pour qu’on n’ait pas à juger l’un par rapport à l’autre. Oublions donc les stars, car tout ici, est d’abord au service de la musique.

Il est en effet question de plaisir, de sentiments et de partage. C’est ce qui fait sans doute une des forces de cet album.

Au-delà de sa technique, de son jeu et de son feeling, il ne faut pas oublier de mettre en avant le talent d’écriture de Washington, et de souligner son sens du rythme et de la dynamique. Bien sûr, la qualité des intervenants ne peut que le servir. C’est ainsi que Ravi Coltrane, éblouissant d’un bout à l’autre, invente et réinvente des phrases fermes, concises et ciselées (ce n’est que plus évident encore sur « Fall » ou sur « Ledge », morceau d’une simplicité… toute complexe). Quant à Gene Lake, il imprime un groove (il est même assez funky sur « Reuben’s 2 Trane ») d’une régularité et d’une précision absolue, qui ne manque cependant jamais d’idées. L’interaction avec le bassiste est d’ailleurs merveilleuse. Erwin Vann, lors des sessions avec l’autre trio, joue un peu plus sur les longueurs de phrases. Les notes sont souvent plus étirées, emmenant alors le groupe vers des atmosphères quelquefois plus mélancoliques, plus blues et peut-être un peu plus froides aussi. Ce qui n’est pas pour nous déplaire puisque cela ajoute encore au relief de l’ensemble. Dans ce contexte, Stéphane Galland se sent comme un poisson dans l’eau et s’amuse à déconstruire, mélanger et recolorer des rythmes aux mille parfums (sur « Half Position Woody » ou « Requiem pour un con », il est brillant d’inventivité).

En bon leader, que ce soit à la basse électrique (« Mr Pastorius » et « Strange Meeting » entre autres) ou à la contrebasse (« Jade 4 Giada »), Reggie Washington canalise et ouvre continuellement le jeu, permettant aux autres musiciens de s’exprimer en toute liberté. Il impose une pulsion constante, une ligne de basse solide, et cela sans jamais se mettre totalement en avant. Il se fait quand même plaisir en concluant l’album en solo avec « Fanny’s Toy » (seul morceau enregistré en studio), où il joue de la batterie et se sample lui-même à la basse.

Lot of Love. Live ! est un disque lumineux où on sent l’envie de Washington de partager son plaisir. Et on peut dire qu’il y réussit.