Scènes

Roy Nathanson

Roy Nathanson à UBI (Rouen)


Photo : Franpi Barriaux

Roy Nathanson à Rouen : il y a quelques mois, cette phrase aurait semblé incongrue, voire sujette à raillerie. Le New-Yorkais n’avait aucune raison de venir faire traîner ses saxophones et son humour sur les bords de Seine de la capitale normande. Mais ça, c’était avant.

Avant l’aventure Mingus avec Papanosh. Avant surtout l’histoire d’amour entre l’ancien dynamiteur des Jazz Passengers et les jeunes gens du collectif rouennais des Vibrants Défricheurs qui a permis ce moment unique : un solo créé pour l’occasion.

Roy Nathanson © F. Barriaux

Dès que Roy Nathanson se saisit de son alto, dans la belle salle lumineuse de la galerie UBI, il convient de mesurer le privilège des spectateurs présents en nombre. Un son plein, émouvant, qui va fouiller la mémoire. Nathanson est un conteur, c’est chose admise. Alors, il conte, dans un mélange d’anglais et de rudiments de français, parfois en confondant un peu tout, des souvenirs musicaux. Un standard de Louis Armstrong qu’il chante d’une voix éraillée et sensible avant de le déconstruire au saxophone. Une bluette sur laquelle ses parents se sont séduits (« The Nearness of You »). Un traditionnel klezmer qui lui évoque des anecdotes truculentes… Et puis des tourterelles.

Roy Nathanson aime les tourterelles. En France depuis quelques semaines avec Papanosh pour la tournée de sortie de l’album, il les enregistre et son téléphone portable diffuse ces roucoulements, qui l’emportent dans la rêverie. C’est la seule intervention tierce de cet exercice soliste, et c’est son alter ego Raphaël Quenehen qui se charge de lancer aléatoirement le cri de l’oiseau. Il y a une complicité certaine entre les deux musiciens, qui se ressemblent énormément - même goût pour la poésie, et pour les furies soudaines au baryton, même rapport mi-amusé mi-respectueux vis-à-vis du jazz, même légèreté enfantine dans l’approche de la ritournelle. Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer, et il y a fort à parier qu’entre Roy et Rouen, la saga n’en est qu’à ses prémices.

Roy Nathanson © F. Barriaux

C’est lorsque Nathanson clôture son solo par une chanson yiddish connue de son oncle seul, avec une narration savoureuse aux allures de stand-up, qu’on mesure sa chance d’avoir à Rouen une petite salle comme UBI, qui permet ce type de programmation à la fois ouverte et exigeante. Les collectifs artistiques peuvent grandir et asseoir leur représentativité sur un territoire dès qu’ils tiennent un lieu dédié aux rencontres. Les lubies vibrantes du jeudi à UBI sont un incontournable de Rouen [1]. Roy Nathanson a donné le coup d’envoi d’une saison pleine de surprises.

par Franpi Barriaux // Publié le 21 septembre 2015

[1Les prochains rendez-vous sont le dimanche 4 octobre : Tendimite 4 (Sylvain Darrifourcq / Ronan Courty), le jeudi 5 novembre : Antonin Tri-Hoang solo, le jeudi 3 décembre : Maxime Petit solo.