Scènes

L’Invisible en la chapelle Corneille

Naïssam Jalal en trio était à Rouen


Voici quelque temps que Naïssam Jalal a construit ce trio pour Quest of the Invisible, mais à l’occasion de la sortie du disque, les concerts se multiplient. Après Mulhouse, c’est à Rouen, dans le joyau baroque de la Chapelle Corneille, que la flûtiste retrouve ses compagnons Claude Tchamitchian et Leonardo Montana pour une rencontre aux confins du sensible. L’endroit idéal pour communier avec les anges.

Ce qui impressionne avant tout, à peine les lumières s’éteignent, c’est la grande complicité entre les musiciens. Dans un contexte plutôt difficile au départ - le son de l’auditorium est souvent rétif à l’apprivoisement, surtout pour le piano de Leonardo Montana, habile à colorer de sa main droite -, la complicité fait beaucoup pour aider les spectateurs à s’abandonner. Car il s’agit bien de cela ; la musique écrite par la flûtiste Naïssam Jalal est diaphane, spirituelle et mystique, mais elle ne s’embarrasse pas de liturgie. La contrebasse de Claude Tchamitchian, à l’archet, est puissante, c’est le propulseur d’une flûte qui se ballade en liberté et voyage où elle veut. Naïssam est joyeuse, insouciante d’apparence, mais lestée d’une grande spiritualité. De celle qui provient de l’héritage d’une tradition jazz qui se soucie de se nourrir des musiques venues du monde entier. Ce qu’elle fait bien au ney, qui donne à cette musique une teinte plus grave et onirique.

Naïssam Jalal & Claude Tchamitchian © Franpi Barriaux

Elle ne déchire pourtant pas l’intime voile de soie qui lie les musiciens du trio.Ce tissu fait de confiance et d’une dose d’irréel qui pimente les débats, et dans lequel va se pelotonner la colère lumineuse que Naïssam Jalal nous avait montrée dans ses précédentes aventures. Elle n’a pas entièrement disparu ; elle brille toujours dans les circonvolutions de la flûte. Elle l’emploie juste différemment dans les longs morceaux où s’élancent Tchamitchian et Montana, toujours prompts à souligner les psalmodies de la flûtiste qui chante également, dans des instants légers, comme cette « Prière » finale qui laisse dans l’air un goût sucré et suave. Un moment hors du temps.