Scènes

Oh Yeah ! - Papanosh et ses invités interpellent Mingus

Le quintet Papanosh présentait au Hangar 23 de Rouen sa nouvelle création autour de Mingus, avec Roy Nathanson et Fidel Fourneyron.


Forts du succès de leur premier album et d’une tournée dans le cadre de Jazz Migration, les Rouennais de Papanosh proposaient au Hangar 23, haut lieu de leur ville natale, leur nouvelle création autour de Charles Mingus. Après un premier concert à Banlieues Bleues en compagnie de leurs deux invités, le tromboniste Fidel Fourneyron et le saxophoniste Roy Nathanson, le quintet se produisait avec le concours du Rouen Jazz Action, qui a tant œuvré pour le jazz en Haute-Normandie et propose encore aujourd’hui nombreux concerts de qualité.

Papanosh © F. Barriaux

« Nul n’est prophète en son pays » confiait un peu anxieux le saxophoniste Raphaël Quenehen avant d’entrer en scène ; la salle lui donne tort, fort remplie pour un mardi soir, ce qui est en soi un tour de force. Enregistré par France Musique qui suit depuis longtemps l’évolution de la jeune formation, le concert a drainé autant de curieux que de conquis. Et lorsque la lignée de soufflants s’engouffre dans une reprise du morceau « Los Mariachis », elle emporte tout sur son passage. La lecture de Mingus par Papanosh est à l’image de celui à qui ils rendent hommage : rageuse et intransigeante, anguleuse et farouche. L’addition des invités tient de la cristallisation, et ce septet de circonstance permet de multiplier les voix, d’accélérer, de se doubler et d’offrir de belles collisions.

La rencontre avec Fidel Fourneyron est ancienne, sur les bancs du CNSM, et les échanges depuis longtemps fructueux. Chacune de ses interventions, notamment quand il se mêle à la trompette de Quentin Ghomari sont brillantes. La rencontre avec Roy Nathanson est récente mais ceux-là parlent le même langage. Quenehen et lui jouent tous les deux la rupture, chauffés à blanc par une rythmique alcaline. Thibault Cellier et Jérémie Piazza sont au centre des échanges qu’ils animent avec rigueur et puissance. La contrebasse claque, à la fois simple et inventive, une batterie roborative et insolente lui répond. On pourrait être étonné de voir Papanosh s’emparer de l’univers de Mingus, qui paraît assez lointain des chimères balkaniques et festives qui furent leur biotope. On pourra rétorquer que cette tendance s’esquissait déjà sur les claviers de Sébastien Palis dans le premier album, mais il fallait un basculement complet. A ce titre, la personnalité de Nathanson a un rôle double. Il est à la fois accoucheur d’un lien fort avec cette histoire du jazz là que les Papanosh refusait peut être, jusqu’à cette rencontre de s’avouer. Il est surtout le détonateur d’une appropriation insoumise de morceaux volontairement glanés loin des standards attendus.

Papanosh © F. Barriaux

Qu’il déclame ou qu’il éclate d’une rage rigolarde dans son alto, il conduit ses comparses à se révéler eux-mêmes, préférant indiquer la direction plutôt que de la prendre. Une atmosphère et une direction qui fera penser à ce que le musicien hongrois István Grencsó avait pu proposer avec Lewis Jordan. Toujours vers l’Europe Centrale, finalement ; voilà le signe d’une grande cohérence.