Chronique

Sarah Murcia

Eyeballing

Benoît Delbecq (électronique, piano), Olivier Py (s), François Thuillier (tuba), Sarah Murcia (électronique, cb, vx)

Label / Distribution : Dstream / L autre Distribution

En marge de ses collaborations nombreuses et toujours pertinentes (Louis Sclavis, Noël Akchoté, Sylvain Cathala, etc.), Sarah Murcia construit un œuvre personnelle. De son parcours transversal abreuvé à de multiples univers (jazz donc, mais également musique traditionnelle au côté de de Kamilya Jubran ou chanson rock avec Jacques Higelin, Rodolphe Burger, Lo Jo et Fred Poulet), elle conserve un intérêt pour différents vocabulaires et grammaires qu’elle parle en authentique polyglotte dans une glossolalie savamment structurée entendable par tous.

A la tête aujourd’hui d’une formation sans batterie qui donne suite au Nevermind The Future paru chez Ayler Records en 2016 (où elle décomposait en se le réappropriant le mythique album des Sex Pistols), elle construit un répertoire hybride parsemé d’inventions en tout genre. Elle échafaude ainsi, au côté de complices capables de se glisser avec pertinence dans les propositions les plus audacieuses (Olivier Py, Benoît Delbecq ou encore le tuba de François Thuillier), un son collectif à l’épaisseur indéniable qui parfait de couleurs timbrales neuves le propos de cette instrumentiste qui n’est plus seulement bassiste.

Chansons chantées, chansons parlées, sur des textes de l’anglais Vic Moan ou du lorrain Denis Scheubel, Murcia construit un univers qu’elle incarne d’une voix à la gouaille frenchy. Sans avoir l’air d’y toucher, elle dit beaucoup et dresse un portrait cubiste de ce qu’elle est, ou pourrait être, utilisant la musique comme un moyen d’élargir le sens des mots. Les sonorités profondes, synthétiques ou naturelles, pulsations rampantes et instables dessinent une forme de post-modernisme où se mêle l’espace et la vitesse. Les interventions percussives et les dissonances ouatées du clavier comme les accélérations du saxophone ou les bulles cuivrées du tuba font planer un sentiment d’étrangeté qui, soulignés par la précision du geste compositionnel, révèlent au grand jour une authentique originalité.