Chronique

Jean-Marie Machado Danzas

Pictures For Orchestra

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Lorsqu’on songe à la musique de Jean-Marie Machado, on pense à une ligne claire. Lorsqu’il joue avec Danzas, cette ligne se met en mouvement et dessine dans l’air quelques arabesques gracieuses. Écrire avec de la lumière, la racine de la photographie. C’est de ceci qu’il est question ici, et les paysages foisonnent. C’est le trait de piano qui anime « Minhas Tres Almas », doux réveil du nonette empreint d’un peu de spleen, juste ce qu’il faut pour contempler un paysage où règne le silence. Il n’est que de façade, ou alors magnifié par des cordes ouatées mais jamais trop sucrées, du violoncelle de Guillaume Martigné au choix des deux violons alto : Cécile Grenier, qui se distingue sur « As Ondas de Vida », une pièce à l’apprêt classique plus patiné que clinquant, ou Séverine Morfin, époustouflante de justesse et d’émotion sur « Circles Around » qui célèbre le goût du mouvement d’un orchestre léger comme l’air.

Dans ce morceau notamment, on retrouve Stéphane Guillaume aux flûtes, qu’on a davantage eu l’occasion d’entendre dans des contextes différents, notamment avec Pierre de Bethmann. Personne, sauf les deux altistes, n’a de solo défini. C’est un feuillage dense et mouvant, qui se laisse porter par le vent doux. Il y a néanmoins des balises dans l’univers de Machado, très marqué par la musique écrite occidentale ; des musiciens qui, au gré des directions du piano, font le lien entre les soufflants et les cordes. C’est souvent le rôle alloué au fidèle Jean-Charles Richard, autre styliste à l’élégance discrète. Pictures for Orchestra pourrait se définir par son seul titre : on est devant une profusions d’images, de couleurs, de clairs et d’obscurs. La musique de Machado est d’une douceur et d’une légèreté à toute épreuve, à l’instar de « Afeição » où il déroule avec ce qu’il faut de retenue une main droite qui baguenaude. Cette miniature soliste est un petit moment précieux serti dans une dynamique d’orchestre ; quelques secondes après, dans « Fragmentos de Cantos », c’est le mouvement collectif qui reprend sa route dans cet orchestre sans batterie dont Élodie Pasquier et François Thuillier sont le fondement. Sans heurt, mais avec une certaine pesanteur qui permet de figer des instants, comme le ferait l’obturateur.

Seuls un morceau de Piazzola et le « FW1855 » de Schumann ne sont pas écrits par Machado. Mais il y a une connexion, un vecteur, de l’ombre boisée à la lumière sud-américaine, bien soulignée par l’accordéon de Didier Ithursarry. Comme souvent avec Danzas, l’identité latine est présente mais reste suggérée ; une fragrance. Elle se trouve ici dans les titres, mais aussi dans une certaine quiétude, telle la nonchalance des soirées d’été où la nuit n’arrive pas à éteindre le jour mais où la chaleur se décline en douceur. Les photographies de Machado transposées à l’orchestre sont remarquablement bien composées, et développées avec beaucoup de soin dans le studio de La Buissonne qui correspond parfaitement à l’esthétique voulue par le leader. On se régale.

par Franpi Barriaux // Publié le 16 juin 2019
P.-S. :

Jean-Marie Machado (p, comp, dir), Didier Ithursarry (acc), Jean-Charles Richard (saxes), Stéphane Guillaume (fl), Guillaume Martigné (cello), Cécile Grenier, Séverine Morfin (vla), François Thuillier (tu), Élodie Pasquier (cl, bcl)