Scènes

Takase, Sclavis et Courtois, un parfum de Jazz

À la 24e édition du festival Parfum de Jazz les programmateurs ont mis la clarinette à l’honneur.


Aki Takase présente son trio LAV avec Louis Sclavis et Vincent Courtois. J’avais découvert la pianiste japonaise en 2016 au festival Poët Laval Jazz(s) lors d’un mémorable concert en duo avec David Murray (sax ténor). Mémorable car l’énergie déployée par le duo, disons le souvenir qui m’en reste, m’avait bouleversé, balayant mes repères de standards traditionnels.

J’étais donc impatient de retrouver la pianiste dans le contexte du trio. « Je connais Louis Sclavis depuis plus de 25 ans, nous confie-t-elle. J’ai participé avec lui à de nombreux concerts en duo. Il s’est également produit au Japon avec l’écrivaine Yoko Tawada et le danseur Yui Kawaguchi pour le 150e anniversaire de l’ouverture du port de Yokohama. Il y a quelques années, en Autriche, Louis et moi avons joué pour le projet de danse « Da Capo » de DJ lllvibe et Yui Kawaguchi avec Kofie da Vibe (danse). Louis est depuis longtemps mon ami et l’un de mes meilleurs partenaires musicaux. »

C’est le clarinettiste qui présente Vincent Courtois et Dominique Pifarély à la pianiste alors qu’elle souhaitait enregistrer de la musique de chambre. C’est ainsi que s’est réalisé en 2014 l’album Flying Soul (Intakt Records). « Très récemment, ajoute-t-elle, j’ai travaillé une musique d’arrangements de Carmen pour un album intitulé « Carmen Rhapsody » (sorti en 2023 chez BMC), ainsi que sur un spectacle avec Vincent Courtois, Daniel Erdmann (saxophone), Mayumi Nakamura (mezzo-soprano) et mon amie Chiharu Shiota, qui a assuré la scénographie du spectacle ».

Aki Takase, Vincent Courtois, Louis Sclavis photo C Charpenel

Un concert avec ces musiciens ne se déroule jamais comme prévu, c’est tant mieux. Les partitions posent le fil de thèmes simples ou élaborés, mais la force vitale du trio est prompte à défaire les codes, me donnant l’impression d’être dans une voiture sans frein lancée à toute allure. Dès l’ouverture sur un thème à la clarinette le duel s’engage entre le piano et le violoncelle, oscillant entre accalmie et déchaînement. Et c’est ainsi durant les huit pièces jouées ce soir (six d’Aki Takase et deux de Louis Sclavis), monologues, dialogues, conversations à trois mais jamais de bavardages pour des musiciens rompus à tous les langages.
C’est dans ces contextes de joutes abruptes que cette musique me donne le vertige, me fait perdre pied. Ne pas résister, se laisser seulement entraîner par l’émotion. Les inflexions et les timbres des instruments, comme des branches auxquelles se raccrocher, sont les reliefs sonores boisés d’un paysage hallucinant. Sur le dernier morceau, le trio nous pose en douceur, dans la mélodie.
Concert expérimental et puissant, j’ai vécu un moment fort. Visiblement je ne suis pas seul à l’éprouver, si j’en juge par la réaction enthousiaste du public.

A noter la remarquable qualité de la sonorisation en plein air.

Pour le premier set, le quintet de la clarinettiste Aurélie Tropez proposait des compositions conjuguant les influences new-orleans, swing et caribéennes. Julie Saury assurant à la batterie une musicalité remarquable pour un set enlevé qui a tourné comme une horloge.