Chronique

Hollenbeck/Darche/Boisseau/Blaser

JASS

John Hollenbeck (dr), Alban Darche (s), Sébastien Boisseau (cb), Samuel Blaser (tb)

Label / Distribution : Yolk Records

A la fois acronyme (chaque lettre renvoie à l’initiale du prénom des musiciens) et forme archaïque du mot jazz au début des années 1900, J.A.S.S. embrasse toute une histoire à laquelle il rend directement hommage. Sans piano ni guitare, avec seulement une section rythmique et deux soufflants, le quartet retrouve l’esprit des fanfares de la Nouvelle-Orléans et, dans la spontanéité qui prédominait à cette époque, une certaine décontraction, une gouaille assumée, de l’exubérance dans la créativité.

A l’initiative de Samuel Blaser et Sébastien Boisseau, auxquels s’ajoutent Alban Darche et John Hollenbeck, le disque est mis en boîte à l’issue d’une résidence au Pannonica de Nantes, puis d’une répétition au local de Yolk. Une fraîcheur palpable ressort de ce travail préparatoire assez bref où chacun s’est glissé avec une parfaite aisance. On le sent, c’est avec jubilation qu’ils ont croisé le fer sur des thèmes composés par chacun (excepté Boisseau) ; l’écoute attentive révèle les plumes respectives, mais ces contrastes stylistiques sont lissés par une unité de couleurs chaudes, cuivrées, et par l’homogénéité du traitement.

La rythmique efficace dessine un périmètre précis, mais suffisamment malléable pour se prêter à toutes les inflexions. La basse de Boisseau se dresse en pilier souple ; constamment en mouvement, elle imbrique dans son jeu les frappes multiples et ludiques (objets, petit xylophone) du batteur, qui peut ainsi (notamment sur « Driving Licence ») entraîner ses compagnons vers les sommets. De leur côté, les soufflants jouent sur les contrastes ; ils surchargent les thèmes de contre-chants (« Recurring Dreams » ou « Miss Univers 2031 ») ou bien les dépouillent jusqu’à l’os (le grinçant « Water »), enchaînant quelques chases (courses-poursuites qui se pratiquaient à la grande époque du be-bop) avec moins de célérité mais autant d’expressivité que leurs illustres aînés.

On sait Boisseau grand admirateur d’« Old and New Dreams », le groupe qui réunissait Don Cherry, Dewey Redman, Charlie Haden et Ed Blackwell et qui, dans les années 70-80, associait déjà dans son nom passé et futur. C’est avec la même ouverture d’esprit que JASS s’approprie un matériau, le fait vivre avec mordant et humour, le rend pertinent et donne libre cours à ses improvisations. C’est donc à une histoire revisitée qu’invite ce disque, mais loin de la pesanteur des commémorations. Une mémoire vive en quelque sorte, de celle qui s’actualise dans le présent.