Chronique

Steve Lehman Trio + Craig Taborn

The People I Love

Steve Lehman (as), Craig Taborn (p), Matt Brewer (b), Damion Reid (dm)

Label / Distribution : Pi Recordings

Le saxophoniste américain Steve Lehman conduit son trio depuis au moins 2012 (le disque Dialectic Fluroscent en témoigne) et l’élargit aujourd’hui avec le pianiste Craig Taborn. La greffe prend immédiatement et transforme la formation en un quartet audacieux dans sa pratique et enthousiasmant dans sa capacité à faire vivre l’interaction à un haut niveau de performance.

Le jeu reconnaissable entre mille du saxophoniste fait bien sûr immédiatement florès. Mélange de cérébralité et d’une pratique hyper-virtuose pour concrétiser des idées qu’il exécute avec une précision chirurgicale, il trouve dans le piano de son invité une décontraction permettant une mise à distance génératrice d’un espace nouveau. Ne manquant pas de mordant toutefois, les interventions solistes du clavier montrent, s’il en était besoin, sa capacité à jouer, sur les esthétiques les plus contemporaines, avec une générosité gourmande.

L’art de ce quartet réside, d’ailleurs, dans un équilibre fructueux, une tension entre tradition et modernité. Entièrement nettoyé des attributs d’une musique tournée vers le passé, il en conserve toutefois la tonicité galvanisante, soutenue, il faut le dire, par une rythmique insatiable. Que ce soit la basse ronflante et mobile de Matt Brewer comme (et surtout) la batterie sèche et trépidante de Damion Reid, parfait complément du jeu de son leader.

Ne les limitons pas toutefois à une approche seulement caféinée : des titres plus tendres évoquent les ballades du jazz d’antan où les sensibilités s’expriment avec langueur. D’autant mieux, et cela est valable pour l’intégralité du répertoire, que les thèmes sont parfaitement agencés, trouvant un juste milieu entre une écriture exigeante et stimulante à l’oreille et un soin de la mélodie qui place Lehman autant comme un interprète redoutable que comme un compositeur passionnant.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 22 décembre 2019
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