Chronique

Strinning & Daisy

Castle & Sun

Sebastian Strinning (ts), Tim Daisy (dms, perc).

Label / Distribution : Veto Records

Si, depuis quelque temps déjà, la collection Exchange du label Veto Records avait abandonné sa vocation première, Castle & Sun renoue avec son histoire : donner de la matière musicale au jumelage des villes de Chicago, Illinois et de Lucerne, canton suisse. Une matière des plus free, si possible. Longtemps synonyme d’une participation du multianchiste Christoph Erb, la collection Exchange a parfois été l’occasion d’autres rencontres, comme celle qu’animent le saxophoniste Sebastian Strinning et le percussionniste Tim Daisy. Le second est un pilier de la scène chicagoane, qui joue notamment avec Ken Vandermark ou Dave Rempis. Quant au premier, il nous avait époustouflés dans le disque Tree Ear avec une autre figure installée à Lucerne, Gerry Hemingway. D’origine suédoise, le saxophoniste est repérable par un jeu intense et rocailleux incarnant bien l’urgence d’« Afternoons » qui le confronte au jeu véloce de Daisy.

C’est Tim Daisy qui est ici le maître de la tension. Dans le court « Pictures », alors que le jeu de Strinning se fait plus profond, presque coltranien par instants avant de devenir plus massif, c’est le percussionniste qui semble faire feu de tout bois et porter l’échange à ébullition. Castle & Sun est un disque qui se fonde sur le temps long, use beaucoup d’ostinatos comme des coups de boutoir pour s’aider à forcer un passage dévastateur et d’une beauté crue ; une rivière qui s’épanche et tourbillonne… Et peut même dénicher des instants impavides où, réduit à un souffle court, le saxophone laisse son compagnon faire tinter tous les métaux de sa batterie.

Placée sous la bannière assez traditionnelle de l’algarade en duo où la vitesse ne brille vraiment que lorsqu’elle se laisse confondre par la précipitation, la rencontre entre Tim Daisy et Sebastian Strinning s’inscrit pour le batteur dans la droite ligne de ce qu’il a pu proposer en duo avec Jeb Bishop ou Jason Stein. Ce qui est intéressant ici, c’est qu’aux empoignades des deux improvisateurs s’ajoutent « Frequency A » et « Frequency B », deux courts instants solistes comme préparatoires à leur rencontre. Des instants isolés pleins de poésie qui sont comme les fantômes des morceaux plus longs. Lucerne et Chicago ont honoré leurs fiançailles.

par Franpi Barriaux // Publié le 18 février 2024
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