Scènes

Sur les chemins des Égarés

Promenade colorée avec les Égarés au Quai à Angers.


Les Égarés, photo Frank Bigotte

Poursuite d’une longue tournée nationale et internationale, Les Égarés s’arrêtent le samedi 12 octobre au Quai, la salle angevine. Un public acquis d’avance pour une musique qui flatte intelligemment les oreilles et, sans vraiment nous égarer, nous promène avec plaisir.

En première partie, trônant au milieu du vaste plateau, le public découvre un orgue hybride, mélange d’artisanat traditionnel et de sophistication technologique numérique. Venu de Suède pour nous faire découvrir ses compositions de même que quelques airs traditionnels, Gunnar Idenstam s’installe sur le banc face à son instrument, tournant le dos au public sans qu’on lui en veuille aucunement. Peut-il faire autrement ? D’autant plus que cette position permet de découvrir un savant fou à la blanche chevelure rejetée en arrière, qui bouge ses bras en tous sens tandis que les pieds dansent sur les pédales. L’instrument total réclame un engagement total. Et son jeu semble bien vouloir exploiter les sonorités très connotées en faisant ronfler le volume de la bête.

Après le gros vient le petit lorsque Vincent Peirani, qui tient dans les bras la version miniature de l’orgue, vient le rejoindre pour quelques folk-songs et polkas dont le charme d’antan est filtré aux couleurs contemporaines. Petite passation de pouvoir ensuite : sort Idenstam, entre Émile Parisien. On apprécie le duo accordéon/saxophone bien connu dans ces colonnes par ailleurs depuis le disque Belle époque sorti en 2014 (dix ans déjà). Final en trio ensuite avec le retour de l’organiste pour clôturer une première partie atypique par la découverte d’un monde sonore qui, s’il ne séduit pas pleinement l’oreille, interpelle et laisse soupçonner des capacités uniques.

Les Egarés - Sissoko, Ségal, Peirani, Parisien. © Frank Bigotte

Les Égarés sont la réunion de duos qui ont, eux aussi, sillonné la France ces dernières années. À Vincent Peirani et Émile Parisien entendus à l’instant se joignent Vincent Ségal et Ballaké Sissoko, soit une manière de repenser en commun la tradition instrumentale. Accordéon, violoncelle, saxophone et kora conservent leur bagage, mais le portent vers un ailleurs qui est une synthèse réussie de nombreux vocabulaires.

Bien sûr, Sissoko propose des couleurs d’une légèreté cristalline et un balancement chaloupé que doublent les basses jouées au violoncelle par Segal, mais sur ce tapis toujours délicat et coulant viennent s’ajouter des interventions virtuoses de l’accordéon et du saxophone qui se fendront chacun d’un solo magistral (particulièrement Parisien qui dévoilera tout son savoir pour développer un discours étendu parfaitement construit).

Parisien, puisqu’on en parle, est né le 12 octobre. Le concert ne dit pas de quelle année (1982, nous avons vérifié), ses camarades, en revanche, s’amusent à lui souhaiter cet anniversaire à base de bribes déconstruites de la chanson bien connue (de celle qu’on beugle en fin de repas à l’arrivée du gâteau), provoquant les réactions complices du public.

Ballaké Sissoko, photo Frank Bigotte

On repart ensuite vers des contrées plus sophistiquées avec notamment un titre de Joe Zawinul et quelques compositions personnelles. Le morceau Esperanza de Marc Perrone est évocateur pour qui connaît André Minvielle et le monde uzestois, et se mêle naturellement à un répertoire toujours rond, chantant, qui emporte l’auditoire avec facilité et un savoir-faire de qualité. Pas vraiment perdus, ne débordant pas des sentiers colorés qu’ils empruntent, les quatre nous conduisent immanquablement au bout d’un concert qui est une vraie soirée pleine de musique.