Chronique

Junk Magic

Compass confusion

Craig Taborn (p, keyboard), Chris Speed (ts, clar), Mat Maneri (alto), Erik Fratzke (b), David King (dm, electronic)

Label / Distribution : Pyroclastic Records

Dix sept ans après Compass Confusion sorti sur le label Thirsty Ear, le pianiste et claviériste Craig Taborn réactive son projet Junk Magic. Avec un léger remaniement du line-up, puisque l’alto et clarinettiste Chris Speed remplace le ténor Aaron Stewart et qu’Erik Fratzke transforme le quartet en quintet, on retrouve le même souci de confrontation entre l’électronique et l’acoustique. En dépit de la prédominance de la première, qui impose avec une précision chirurgicale une touche synthétique froide, l’arrivée du second dans son champ apporte, sans pour autant le dénaturer, un cachet supplémentaire par sa texture chaleureuse.

On navigue ainsi dans un entre-deux-eaux qui peut dérouter à l’abord. Les morceaux s’enchaînent, en effet, sans vraiment dégager, non une ligne directrice mais une forme précise. Comme situés dans l’avant-pensée, dans un magma encore informulé, les instrumentistes jouent sur des plages contemplatives sans s’imposer et en pratiquant l’art de l’ellipse. Pourtant, à creuser un peu l’écoute, et en laissant les habitudes de côté, on apprécie le travail sur le grain, la texture riche et mouvante de ce quintet qui navigue de manière organique loin des conventions jazz traditionnelles.

Mieux, au détour d’une plage étale, la prise en main d’une rythmique forte (notamment grâce au travail de Dave King) entraîne avec volubilité sur des territoires itératifs hypnotiques qui convoquent le meilleur de la musique électronique. Sur “The Science of Why Devils Smell Like Sulfur”, la prestation d’un Mat Maneri aussi présent que délicieusement évanescent produit un effet captivant.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 21 février 2021
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