Scènes

Ouvertures au Pannonica

La saison 2012-13 du club nantais de jazz et musiques improvisées a débuté en fanfare. Retour sur trois soirées étonnantes où se croisent Rosette, Jean-Jacques Birgé, Antonin Leymarie et Bastien Ballaz.


La saison 2012-13 du club nantais de jazz et musiques improvisées a débuté en fanfare. Retour sur trois soirées étonnantes où se croisent Rosette, Jean-Jacques Birgé, Antonin Leymarie et Bastien Ballaz.

Pour l’ouverture de sa saison, le Pannonica s’est offert une tête d’affiche en programmant Elisabeth Kontomanou. Mais ce sont les soirées moins consensuelles qui font l’objet ici d’un compte rendu.

La première, un double plateau comme c’est parfois le cas ici, présentait en première partie le groupe Rosette et l’Imperial Quartet.

Rosette, qui fête ses dix années d’existence par un Würst Tour, est un groupe qu’on pourrait qualifier de « power trio » si ce n’était l’aspect résolument décalé et provocateur du projet artistique. Les trois musiciens, batteur, contrebassiste et saxophoniste sont également chanteurs, clowns et, pour les besoin de la scène, un peu acrobates. Leur arrivée se fait par la salle, en une sorte de déambulation carnavalesque et bruyante. Déguisés, affairés et braillards ils se jettent sur scène plus qu’ils n’y montent. S’ensuit un concert assez décoiffant, fait de morceaux très longs mais à épisodes, sortes de scénarios vaguement théâtralisés. La musique penche du côté d’un jazz binaire, très martelé, aux basses profondes et insistantes. Les mélodies tranchantes sont envoyées par un saxophoniste plus braillard que convaincant et les thèmes sont souvent chantés, voire hurlés dans un langage à peine reconnaissable. Le tout étant mis en scène par des gesticulations étonnantes, provocantes et assez drôles. Les musiciens s’amusent, utilisent toutes sortes d’objets sonores et jouent aussi d’eux-mêmes, avec une auto-dérision délectable. A voir sur scène (et nulle part ailleurs) et ne pas rater le rappel pour lequel les musiciens échangent leurs instruments… Etonnant !

Impérial Quartet. Photo Frank Bigotte.

Ce petit ouragan passé, c’est l’Impérial Quartet qui se présente. Par comparaison, il paraît bien sage… Mais la configuration scénique est l’image de la musique proposée : les musiciens sont rassemblés au centre de la scène, batteur et bassiste côte à côte, les deux saxophonistes devant. Ils forment ainsi un pack serré, comme au rugby, un carré soudé d’où sort un son brut, projeté et compact. Les interactions entre les saxophonistes sont permanentes et bien équilibrées. A eux deux, ils jouent de toute la famille des sax, du basse au sopranino. Les combinaisons de registres sont alors l’occasion de sonorités choisies qui servent parfaitement un discours musical très chaleureux. La paire Leymarie-Florent offre également une belle assise rythmique et excelle dans les changements d’ambiance, de rythme ou de couleur. Le groupe offre un set tout en puissance, d’un bloc, comme un seul et même morceau qui laisse ensuite une impression de vide. Le calme après la tempête.

Une semaine plus tard était présentée la création du trio constitué de Vincent Segal au violoncelle, d’Antonin-Tri Hoang au sax alto et clarinette basse et de l’instigateur du projet, Jean-Jacques Birgé, aux machines électroniques.

Hoang, Birgé, Segal, passage Pommeray - Nantes. © JJ Birgé.

Totalement basée sur l’improvisation, la soirée est inattendue. La machinerie installée par Birgé est principalement constituée d’un ordinateur et d’un clavier, plus toutes sortes de petits appareils d’où sortent des sons improbables qui, parfois accompagnés de lumières, créent une palette très large : samples, bips, nappes, rythmes et percussions électroniques, flux de radio mixé et trituré en direct, bruits divers et autres surprises déroutantes. Tel un savant préoccupé derrière sa paillasse, Birgé se livre à des expériences face à ses deux complices qui, tout ouïe, se tiennent sur le qui-vive afin de réagir et interagir face à ses propositions. Segal, au violoncelle, passe habilement de l’archet au pizzicato et invente avec un plaisir non dissimulé des contrechants ou des mélodies qui collent aux schémas musicaux inventés. Hoang passe de la clarinette au saxophone, usant de stratagèmes pour varier les effets : slaps, harmoniques, chuintements, couinements, jeu sans anches ou sans bec… Parfois, les deux musiciens acoustiques se liguent, prennent le pouvoir et attirent la machinerie sur leur terrain ; la musique prend alors un tour plus mélodique et les interventions électroniques servent de ponctuations. Mais souvent ces dernières tissent une trame aux improvisations. Antonin-Tri est étonnant de maturité et de fantaisie à ce jeu, et démontre une fois de plus sa maîtrise totale de ses instruments et sa faculté d’en tirer de belles choses. Très belle découverte que cette expérience totale, tant par son aspect poétique et humoristique que par son étonnante instrumentation.

La dernière soirée, en double plateau, plaçait devant une salle archi-comble (la famille ? les amis ?) les groupes Tangerine et Kami Quintet.

Tangerine est un trio guitare, contrebasse, batterie qui, comme son nom l’indique, reprend des thèmes issus du rock et les étire à la sauce jazz. Trois musiciens aux défauts caricaturaux : un bassiste faux, un batteur fort et un guitariste show pour une musique qui fait penser à du sous-Limousine… Dispensable.

Arrive ensuite Kami Quintet et sa musique foisonnante et bruyante. Peu de chaleur de la part de ces musiciens qui semblent s’ennuyer ; une musique bavarde et peu lisible, sans surprise, ennuyeuse… La prestation du groupe n’a pas été à la hauteur de nos attentes. C’est dommage car il est constitué de bons musiciens, comme le tromboniste Bastien Ballaz. Mais cela ne suffit pas, visiblement.

La saison du Pannonica se poursuivra avec d’autres spectacles choisis, mélange de surprises, bonnes ou mauvaises, et de têtes d’affiches attendues.