Chronique

This is Pan & Luzia von Wyl

Lockdown Circus

Luzia von Wyl (p, comp), Matthias Kohler (as), Dave Gisler (g), Lukas Thoeni (tp), André Pousaz (acc), Gregor Hilbe (d).

Label / Distribution : Lu Records

Dans les souvenirs que laisseront les premières années critiques de pandémie de la Covid, il restera beaucoup de peines et de douleurs, mais aussi quelques bulles d’air, des initiatives heureuses et des œuvres transcendantes. Parmi celles-ci, quelques années après, alors que la maladie se balade toujours avec son cortège de séquelles, de superbes aventures musicales continuent à nous parvenir et nous ravir, tel ce Lockdown Circus écrit par Luzia von Wyl et co-interprété avec l’orchestre suisse This is Pan. On connaît la première pour la soutenir depuis des années : Luzia nous émerveille depuis neuf ans. Les seconds ne seront pas inconnus à ceux qui s’intéressent à la scène helvétique, principalement alémanique, puisque du guitariste Dave Gisler (entendu dans Pilgrim et Meta-Zero) à la contrebasse d’André Pousaz (membre incontournable du Luzia von Wyl Ensemble (LWE)), le terrain est connu et sied à l’univers décidément très cinématographique de la pianiste.

L’idée portée par This is Pan est simple, et la compositrice s’y plie avec délices : apporter des partitions que le quintet du saxophoniste Matthias Kohler découvrira le jour même. Le principe de l’œuvre de von Wyl est celui d’un cirque et de ses différents acteurs : le jongleur (« Juggler ») est habile et bravache, c’est un joli dialogue entre la trompette de Lukas Thoeni et l’alto de Kohler qui accueille une tournerie pleine de spleen du piano. Le magicien (« Magician ») manie les couleurs et un sens de la dérision qui offrent un autre angle à cette musique où l’on reconnaît bien la patte de l’écriture, ajoutant au pétillant habituel une touche très fellinienne. Toujours aussi marquée par la volonté d’illustrer, de chercher des images fortes. On l’entend sur « Lion » et cette lenteur souple, prête à bondir. La guitare de Gisler est primordiale, et c’est sans doute ce qui apporte une teinte différente de ce que la compositrice peut proposer avec son LWE. Idem pour la batterie de Gregor Hilbe.

Si la musique de Luzia est toujours aussi puissante, c’est parce qu’elle sait raconter des histoires et s’adapter à ses musiciens. Si le LWE est le sanctuaire où elle peut être joyeuse et contemplative, on se souvient, avec Red qu’elle avait su magnifier, que sa musique peut être multiforme. On le constate encore ici avec « Opening » et la pétulance de l’alto. On est emporté par cette suite, retrouvant des yeux - et des oreilles ! - d’enfant qu’on emmène pour la première fois au cirque. La magie se passe parfois de lapin blanc.