Un samedi soir aux Emouvantes
Le trio MYA et Slydee à Marseille
La banderole du Festival Les Émouvantes apposée sur la grille du conservatoire de Marseille était frappée d’un tag « Culture courage, Macron dégage » en ces temps de mouvement social contre l’ordo-libéralisme - ce qui manifestement ne déplaisait pas à l’organisation. La jauge était plus que pleine pour cette édition 2025, signalaient pendant la présentation Claude Tchamitchian et Fabrice Martinez, co-directeurs artistiques. La dernière soirée, placée sous le signe du groove dans son sens le plus étendu, alignait deux formations s’adonnant aux expérimentations musicales tangentielles sans ignorer le sens de la danse.

- Robinson Khoury MYA trio © Christophe Charpenel
Le trio MYA, avec Robinson Khoury (trombone, voix, synthétiseur modulaire), Anissa Nehari (percussions digitales, voix), Léo Jassef (piano, synthétiseurs, voix), a proposé un set tissé de rêves cosmopolites parsemés de modes musicaux arabes (le maqâm), d’éléments folkloriques européens (par les voix convoquant des archaïsmes entre autres) et de jazz quelque part « hancockien ».
La profonde musicalité de la percussionniste (avec un set composé de pads, bendir, calebasse, cajón et cymbales), creuse des voies aux airs de rituels cosmopolites, parfois agrémentés de bits et octets chamaniques par le synthétiseur modulaire. Le trombone est démultiplié : en début de set une simple coulisse, très mélodique, convie l’auditoire dans ces expérimentations oniriques, puis l’instrument entier développe des intentions orchestrales, enfin un trombone de poche réduit à son simple pavillon résonne comme un appel à la mobilisation des sens.
Le dernier thème, « Arazu », sera dédié par le tromboniste, d’origine libanaise, aux populations du Sud Liban massacrées par l’armée israélienne : après avoir lancé un « free Palestine », il conduira le trio dans un blues post-apocalyptique aux accents d’intifada.
Ensuite, place à Slydee, le projet groove imaginé par le bassiste Sylvain Daniel, sideman, entre autres, de Laurent Bardainne et Jeanne Added. La présence d’une trompette (Aymeric Avice) dans un maelström funky décalé rappelle Miles Davis époque Tutu avec Marcus Miller. Les beats déployés par le batteur Vincent Taeger, eux, tirent l’ensemble vers le hip-hop expérimental d’un J-Dilla, avec de subtils décalages faisant monter la température. Le synthétiseur se fait symphonique (Arnaud Roulin), convoquant même le « Concerto d’Aranjuez », quand le claviériste Bruno Ruder creuse des contrastes entre sensibilité impressionniste et punk rock funk à la Gang of Four. Quant à la basse, elle semble possédée par l’esprit d’un Larry Graham (celui qui, dit-on, inventa le slap au sein de Sly & The Family Stone), jouée de mains de maître par un leader qui fait hurler de plaisir son instrument, la profondeur rythmique le disputant aux intentions mélodiques. Parmi les titres alignés : « Résistance ».
Tout un programme !

