Scènes

ONJ Yvinec « DixCover(s) » : deux doigts dans la prise !

Ce n’était pas pour me faire décoiffer par un bagad en uniforme que je me suis rendu à Pont-l’Abbé (Finistère) mais pour écouter un duo issu de l’ONJ proposer un concert de la série Dixcover(s) dans le cadre de l’Atlantique Jazz Festival et la résidence de l’Orchestre National de Jazz en Bretagne.


Ce n’était pas pour me faire décoiffer par un bagad en uniforme que je me suis rendu à Pont-l’Abbé (Finistère) mais pour écouter un duo issu de l’Orchestre National de Jazz proposer un concert de la série des Dixcover(s) dans le cadre de l’Atlantique Jazz Festival et la résidence de l’ONJ en Bretagne.

Ce jour-là, le Dixcover(s) (habile jeu de mots entre discover et dix covers, reprises réarrangées) proposé par Sylvain Daniel et Matthieu Metzger est la relecture de l’album Sign ’O’ the Times de Prince. Mathieu Dorval, responsable du Triskell, a opté pour une configuration originale. Plutôt que de mal remplir la grande salle, il a utilisé le plateau dans le sens de la largeur, installé des praticables à cour pour les musiciens et a laissé le plateau nu pour recevoir un public debout. Cette configuration convient assez bien à une relecture électro d’un album pop années 80… le dance floor est prêt.
Arrive le public.

Il faut préciser que l’Atlantique Jazz Festival et Penn Ar Jazz, sa structure porteuse, mènent de front la programmation et bon nombre de partenariats, coproductions et actions culturelles. Aussi, ce concert est-il le résultat d’une collaboration entre plusieurs entités : la salle du Triskell, Penn Ar Jazz (qui organise le festival) et Les Aprèm’ Jazz, une association quimpéroise qui organise des concerts de jazz pour ses fidèles adhérents. Ces derniers, venus en voisins et en nombre, n’avaient pas mis les pieds sur un dance floor, depuis au moins… disons longtemps. Aussi a-t-il fallu beaucoup de diplomatie à l’équipe pour expliquer l’absence de chaises et la configuration du concert.
Arrivent les musiciens.

Une estrade d’où ne dépassent que des câbles, prises, ordinateurs, claviers… et derrière laquelle on aperçoit une basse électrique et un saxophone baryton ; deux musiciens, le nez plongé dans cet imbroglio électrique, jouent sans se regarder ni regarder la salle, sous un éclairage rouge ; à peine arrivés, il balancent sans prendre de gants quelques minutes de sonorités synthétiques, samples, bruitages, distorsions, rythmes binaires et basses épaisses…

Après cette longue introduction, un spectateur profite du silence pour demander à voix forte : « Vous n’avez pas autre chose qu’une boîte à rythmes ? ». Les deux musiciens, qui s’affairent à préparer le morceau suivant, semblent tout d’abord ne pas réagir ; léger malaise dans la salle. Puis, très calmement et avec un sourire poli, Matthieu Metzger prend le micro et annonce : « Si. Nous avons une deuxième boîte à rythmes. »
Salve d’applaudissements.

Il faut dire que Metzger est un gentleman. On dit souvent qu’un gentleman est un homme qui sait jouer de la cornemuse mais s’abstient de le faire. Metzger, lui, est un gentleman qui, portant à merveille le kilt, s’abstient donc de porter le pantalon.

Une fois la glace brisée, le duo nous emmène dans un voyage de plus en plus énergique et déluré, usant parfois d’instruments acoustiques (basse, sax), chantant-parlant en français, remixant et détournant les codes kitsch et tout de même un peu lourdingues de cette pop désarticulée dont Prince a trop usé – malgré son génie évident…

Sylvain Daniel et Matthieu Metzger s’en tirent pourtant bien vu le matériau de départ. On reconnaît parfois, vaguement, le morceau d’origine. Mais ce concert entièrement inventé à force de bricolage et de bidouillage a le mérite de proposer une cover personnelle et unique.

A la sortie, le public rincé par les décibels ne semble pas si décoiffé. J’entends surtout dire que ce n’est pas du jazz… Soit. Mais beaucoup semblent avoir apprécié la découverte. Quant au grincheux du début, convaincu par le concert, il a acheté un disque à la sortie...