Sur la platine

We Jazz Records, on dit oui.

We Jazz Records, une maison de disque finlandaise, mais bien plus encore.


Prononcez « Oui ! Jazz ! » tant qu’à faire, même si cela ne fonctionne qu’en français.
Cette marque — car We Jazz fonctionne plus comme une franchise que comme une maison de disques — est née à Helsinki il y a une dizaine d’années à peine, entre les mains actives de Matti Nives. « Festival, label, magasin de disque, collectif, utopie » : tel est le slogan.

Matti Nives — We Jazz Records (photo : Maarit Kytöharju)

Et ce n’est pas rien de le dire. Le magasin de disques sert de base arrière à l’ensemble de la production très active de l’équipe We Jazz.
Le Festival We Jazz se tient fin novembre - début décembre à Helsinki depuis 2013 et devait présenter une septième édition en pleine épidémie de Covid, hélas annulée. Le festival est généralement l’occasion de présenter une grande partie des artistes de la maison de disques. Mais il y a aussi une ouverture extra-finlandaise et des ponts jetés entre les scènes européennes. Pour parfaire le tout, avec cette énergie permanente, We Jazz invente un festival d’été, l’Odysseus Festival, sur la petite île de Lonna, dans la baie de la capitale finlandaise. Le programme du festival est en cours mais les premiers noms sont annoncés pour le 24 et 25 juillet 2021 : Timo Lassy, Verneri Pohjola, Superposition, Mario Rom, Otis Sandsjö, Kit Downes, Lucia Cadotsch… L’édition 2021 du We Jazz Festival d’Helsinki se prépare également du 28 novembre au 4 décembre 2021.

Le label est né en 2016 et les premiers disques, souvent pressés sur vinyle, sont d’abord fermement ancrés au jazz finlandais, avec des musiciens maison qui s’échangent les rôles à tour de disques, comme Jukka Perko (sax alto), Antti Lötjönen (basse), Teppo Mäkynen (batterie), Jussi Kannaste (sax ténor), Ville Rauhala (basse)…

C’est aussi sur We Jazz que sort l’étonnant trio Mopo, avec la percutante Linda Frederiksson au saxophone baryton. Mopocalypse fait un carton et le disque propulse en quelque sorte le label hors d’un cercle local.

Le disque suivant sera le premier volet de Y-Otis du saxophoniste suédois et berlinois Otis Sandsjö avec le contrebassiste Petter Eldh, le batteur Tilo Weber et le clavier autrichien et berlinois Elias Stemeseder [1].

Les références s’accumulent, le soin apporté au pressage et au design des vinyles porte ses fruits et We Jazz Records devient l’un des représentants de la scène contemporaine européenne. Les nouvelles signatures sont le batteur Olavi Louhivuori et son groupe Superposition, avec deux saxophonistes débridées et le fabuleux Quintet Est du contrebassiste Antti Lötjönen, une sorte de dream-team finlandaise : Verneri Pohjola (tr), Jussi Kannaste (ts), Mikko Innanen (sax) et Joonas Rippa (d)

Une autre signature européenne qui pousse le label à un échelon sérieux en terme de rayonnement, c’est celle du groupe aéroporté Koma Saxo, inventé par le contrebassiste Petter Eldh. On y retrouve le batteur allemand Christian Lillinger, avec qui Eldh partage de nombreux projets et une triplette de saxophonistes bien embouchés, Otis Sandsjö, Jonas Kullhammar et Miko Innanen. Un triangle suédo-finno-allemand. Ce disque fait partie des meilleurs ventes du label à ce jour, en attendant qu’un autre vienne le détrôner.

Récemment, sont sortis deux disques marquants, le quartet Ainon à l’instrumentation peu commune (violoncelle, violon, sax/clarinette et batterie) emmené par la violoncelliste Aino Juutilainen et le dernier en date, l’époustouflant retour de Speak Low, le répertoire de chansons ciselées par la vocaliste suisse Lucia Cadotsch accompagnée de Otis Sandsjö au ténor et Petter Eldh à la contrebasse.

Le second volet de Y-Otis fait une grande impression auprès de la presse spécialisée jazz et les critiques sont unanimes, comme chez nous également.

C’est donc le label We Jazz qui produit trois projets parmi les plus stimulants de la scène européenne, à savoir le groupe Y-Otis, Koma Saxo et Speak Low. Trois projets radicalement différents mais qui sont tous des atomes isotopes, dont les deux protons sont les suédois berlinois Otis Sandsjö et Petter Eldh
On reviendra bientôt cette l’association prolixe dans des chroniques plus spécifiques.

En ce moment, la maison présente un coffret de 5 vinyles 45T qui regroupe des pistes diverses, une sorte de compilation maison de belle facture.
Pour l’heure, c’est sur la page Bandcamp de We Jazz que vous pouvez tout écouter, chiner, choisir et commander les disques de votre choix. Ce système permet une juste rémunération des artistes et donne à We Jazz les moyens de ses ambitions qui sont, vous pouvez le constater, nombreuses.

par Matthieu Jouan // Publié le 20 décembre 2020

[1qui est remplacé dans le volume 2 par Dan Nicholls