Youn Sun Nah

Tout a déjà été dit, ou presque, au sujet de ce disque qui voit le jour une vingtaine d’année après Reflets en 2001. La pandémie, le retour sur soi, les émotions qui affleurent, la perception d’un monde qui ne laisse plus la place au rêve, Youn Sun Nah seule aux commandes de son processus de composition… « S’il n’y avait pas eu le Covid, je n’aurais jamais osé enregistrer ce disque, avec mes compositions. Je pensais ne pas être prête à assumer le rôle de compositrice ».
Une forme de renaissance après la sidération sanitaire et deux décennies aboutissant à une consécration au plus haut niveau. Celle qu’on définit parfois comme « ambassadrice du jazz français en Corée, ambassadrice du jazz coréen en France » - une formule qui ne veut absolument rien dire – estompe plus que jamais les frontières de ses différents paysages musicaux et se livre à cœur ouvert. Waking World, avec ses onze courtes compositions, fait fi plus que jamais des étiquettes et s’avère assurément le disque le plus personnel d’une chanteuse qui n’a même plus besoin de se livrer à la moindre acrobatie vocale pour démontrer toute sa force d’évocation et son expressivité hors du commun.
C’est au contraire dans une certaine retenue et la sobriété d’arrangements finement ciselés qu’elle s’expose, confidente et pudique. Jazz, rock, folk, pop… on s’en moque un peu, finalement. Le voyage est cette fois intérieur avant tout, comme une traversée en clair-obscur dont les étapes ne sont pas forcément heureuses. Youn Sun Nah fait de sa fragilité d’être humain une force qui s’épanouit dans une musique épurée aux climats souvent brumeux. On devine chez elle un besoin de lumière : elle est là, tout près, dans « ces fragments d’histoires comme des séquences mises bout à bout », dans le plaisir évident à les écouter dérouler leurs émotions.