Chronique

Aka Moon

opus 111

Fabrizio Cassol (as), Michel Hatzigeorgiou (elb), Stéphane Galland (dm) + Fabian Fiorini (p), Freddy Massamba (voc), João Barredes (acc, acc synthé).

Label / Distribution : Out There / Out Note

Ce n’est pas parce que le titre Opus 111 renvoie inévitablement à la 32ème et dernière sonate de Beethoven, qu’il faudrait croire ce nouvel album d’Aka Moon conçu comme une série de variations autour de cette mythique sonate comme ce fut le cas pour The Scarlatti Book. Fabrizio Cassol est parti d’une inspiration qui est venue se superposer à cette sonate pour créer d’autres correspondances : le texte « She Talks to Beethoven » de l’Américaine Adrienne Kennedy. De son nom de jeune fille Hawkins, ses parents étaient membres de l’Association for the Advancement of Colored People. Métisse, elle a souffert du racisme à l’université et a fait de l’ambivalence des métis (cf. le « I Am Three » de Mingus) l’un des thèmes centraux de son œuvre théâtrale.

Une évocation de la complexité du racisme qui ne pouvait qu’intéresser Fabrizio Cassol, maître d’œuvre du projet Strange Fruit. Mais quel rapport avec Beethoven ? Le texte met en scène une écrivaine vivant au Ghana en 1961. Après la disparition de son mari, elle trouve refuge dans la lecture de la correspondance de Beethoven qui devient un fantôme consolateur. Se mêlent alors dans l’esprit de la jeune femme musique de Beethoven et musique populaire africaine, un peu comme dans le projet de Cassol. Ce qui explique le choix des invités. D’abord, Fabian Fiorini, pianiste à la culture classique comme jazz qui a souvent rejoint le trio, de l’album Amazir de 2001 à The Scarlatti Book. Il est présent tout au long de l’album et particulièrement sur les plages « Sonate 32 » et « Towards the Stars with B. », longue improvisation solo qui clôt l’album.

Ensuite, le chanteur congolais Freddy Massamba que Fabrizio avait rencontré pour différents projets comme Requiem pour elle : il est présent sur quatre plages dont il a écrit les textes. Enfin, pour faire pendant au piano acoustique, l’accordéon et accordéon synthé du Portugais João Barredes rencontré à Aix-en-Provence, un maître de l’accordéon contemporain qui intègre à son instrument d’étonnantes sonorités électriques. Au fil de l’album, l’alto aérien de Fabrizio Cassol, la basse puissante et prégnante de Michel Hatzigeorgiou et le jeu inventif de Stéphane Galland, maître des polyrythmies, dialoguent tantôt avec le piano de Fabian Fiorini (« The Melancholia of L. » ou « Sonate 32 »), tantôt avec l’accordéon de João Barredes (« Opening 1.1.1. », « Beyond Lands ») et, à quatre reprises, avec la voix chaude de Freddy Massamba (« Chindila », « Watumbu », « Bee is Black », « The Black Spaniard », en parfait dialogue avec l’alto).

Un album représentatif de la riche personnalité de Fabrizio Cassol : un mélange de cultures au travers de rencontres inattendues, une thématique humaniste au travers d’un brassage d’influences musicales.