Akosh S. & Sylvain Darrifourcq
Apoptose
Akosh S. (ts, ss, bells, zither, perc, objects), Sylvain Darrifourcq (dms, perc, zither, object, GSM)
Label / Distribution : Meta Records / Socadisc
On pénètre dans Apoptose comme dans une forêt primaire. Tout y est vivant, moite, plein de sève. Fougueux et hostile à la fois. La frappe tombe drue, heurte le son cristallin ou métallique qui passe à la portée des baguettes du batteur Sylvain Darrifourcq. L’image qui prévaut est celle du labyrinthe. A peine un chemin s’ouvre-t-il qu’une flopée de lianes à peine nées viennent effacer les traces. Soudain, un cri déchire la masse. Le saxophone incandescent d’Akosh S. fend l’enchevêtrement pour se frayer un chemin. Ce qui devrait se disperser s’agglomère dans une constante mutation. La collaboration des deux musiciens est ancienne. Le batteur, par ailleurs membre du quartet d’Emile Parisien, participe à nombreuses formations d’Akosh qui, dans ce duo en forme de corps à corps, brille à nouveau par son intransigeance absolue.
L’apoptose est une processus cellulaire. Plonger dans le fracas permanent de « Part III », c’est percevoir une définition abrupte mais très précise d’un fourmillement qui s’inscrit dans la droite ligne des duos saxophone/batterie ayant marqué l’histoire des musiques improvisées. Après avoir traversé une zone humide et brumeuse où le tintinnabulement des cloches fait office de sentier, les deux musiciens se divisent, se concassent ou se frottent mutuellement à une matière qui ferait passer la toile émeri pour un coussin de soie. Les objets, voire les instruments divers, qui vont du sex-toy ronronnant à la cithare hongroise (zither) frappée consciencieusement dans l’étourdissante « Part VI », sont autant de reliefs qui permettent aux instruments de gagner en âpreté.
A ce titre, on n’est guère éloigné de ce que Darrifourcq propose au cœur de son trio Q lorsqu’il confronte sa frappe lourde et versatile aux arcs électriques de ses comparses. Si la hargne est la même, le souffle limoneux d’Akosh S au milieu des grincements répétitifs du batteur dans « Part V », ainsi que la rugosité explosive des percussions sur le fiévreux « Part IV », témoignent d’une volonté de dénicher le son dans ce qu’il a de plus brut. Les musiciens auraient pu choisir de révéler ce son dans un concert unique et dans son plus simple appareil ; en privilégiant un montage de trois concerts différents, qui se perçoit dans la transition entre « Part I » et « Part II », ils ajoutent de la théâtralité à l’échange. Les choses les plus naturelles résultent d’une construction méthodique. Apoptose nous le rappelle à propos.