Scènes

Brest au soleil, tout pousse.

l’Atlantique Jazz Festival 2017 se jouait à Brest en plein soleil.


Photo Michael Parque

Brest est cette ville de fin de terre qui ne ressemble à aucune autre. Escarpée, éventrée, minérale, la ville étale son béton gris, interdit ses zones militaires mais plonge son port dans une rade atlantique aux reflets changeants, comme dirait l’autre.

Bref. Cette ville est fascinante.
Et l’équipe de Penn Ar Jazz y organise un festival éclaté et éclatant, qu’il vente ou qu’il pleuve. Citizen Jazz est présent tous les ans et cette année il a fait très beau.

Première surprise, en arrivant à l’hôtel Vauban, ma chambre n’a pas la moquette et le carrelage de la salle de bain en motif écossais qui m’avait tant frappé la dernière fois. C’est qu’il n’y a qu’une seule chambre écossaise, la « chambre mythique ». Tant pis pour cette fois.
Deuxième nouveauté, les concerts se déroulent dans plusieurs lieux de la ville et non plus seulement au Vauban. L’occasion donc de se promener dans la ville.

Première étape, le centre d’art contemporain La Passerelle où Jean Dousteyssier inaugure son premier solo de clarinette, un long bourdon en respiration continue qui construit un volume cohérent dans l’espace.
Le public attentif se rend ensuite chez le disquaire Bad Seeds pour écouter Olivier Benoit assis sur son ampli, donner un solo de guitare moins déstructuré qu’à l’accoutumée. Face à lui, les yeux fermés, le guitariste — et artiste invité 2017-18 de Penn Ar Jazz — Julien Desprez n’en perd pas une miette. Le disquaire est trop petit et ne contient pas un public conquis qui déborde sur le trottoir.
Pour le troisième solo, celui de Fidel Fourneyron, il faut juste traverser la charmante place et tenter de rentrer dans le bar Le Mouton à cinq pattes. C’est plein comme une panse de brebis farcie et le son du trombone ne franchit pas la barrière humaine.
Tant pis, c’est l’heure de redescendre jusqu’au Quartz, la scène nationale de Brest, pour y entendre Napoleon Maddox dans un programme tout ce qu’il y a de plus ennuyeux. Un violoniste inutile, un chanteur torse nu et gigotant, une musique sans saveur et prévisible, une mise en scène dans le genre Le Roi Lion.
Sortons.
Préservons le souvenir intact des trois soli.

Quelque temps plus tard, il faut se rendre dans la zone portuaire, à la Carène, salle de musiques actuelles pour y entendre le duo In Girum (Johann Bourquenez, piano, électronique et Sylvain Darrifourcq, batterie) finissant un set métronomique et binaire comme le fait si bien Darrifourcq. Pour clore cette longue journée de concerts, on se laisse secouer par le Cabaret Contemporain et sa transe acoustique parfaite pour boire une dernière bière en hochant la tête en rythme (ce qui n’est pas facile, en fait).

Le Quatuor Machaut dans l’église Saint-Louis de Brest. Photo Michael Parque

Le lendemain, un choc esthétique de premier ordre attend le pèlerin qui se rend en l’église Saint Louis pour le Quatuor Machaut. Sous le regard mutin de Sainte Thérèse, l’assemblée est subjuguée par cette débauche de vibrations sonores, chaudes vagues d’harmoniques, réverbération et cliquetis en tout genre. Il faut dire que cette immense église en béton est particulièrement propice à ce type de jeux et les huit secondes de réverbération en font une salle difficile à apprivoiser - me dira plus tard Quentin Biardeau. La centaine d’auditeurs n’en a rien su.

Le soir, retour aux fondamentaux avec un double concert au Vauban. Le Breton Jacky Molard en quartet et le duo Bojan Z- Julien Lourau ont fait salle archi-comble. Difficile de voir et même d’entendre parfois.
Mais l’ambiance était très chaleureuse, celle des clubs bondés où les musicien.ne.s et le public ne forment qu’un bloc compact. J’ai promis de ne pas parler du piano, je suis un homme de parole.

Je regrette déjà de n’avoir pu venir que deux jours, mais neuf concerts en deux jours c’est presque un mini festival. Et puis, le concert de The Bridge #0 qui se jouait ici avant mon arrivée, j’ai pu le voir à Nantes avant de partir. Et c’était très bien d’ailleurs : un déluge de batterie et des volutes de saxophone.

Le programmateur Frédéric Roy a réussi une belle saison et la fréquentation de cette édition 2018 est dite exceptionnelle. Tant mieux, ils le méritent.