Chronique

Carlo Costa

Oblio

Carlo Costa (dms, perc, objets, elec)

L’oubli est un phénomène étrange, que l’on considère trop souvent comme une absence, en oubliant d’autres dimensions plus poétiques comme l’abandon ou l’inconnu. Ce qu’on jette dans l’oubli est condamné à chuter dans les limbes ; c’est cet aspect de l’oubli (Oblio en italien) qui intéresse le percussionniste Carlo Costa dans son solo paru sur Neither/Nor. Créer de l’étrange et de l’inattendu, inventer des espaces parallèles avec toutes sortes d’objets, de frottements, de tintements… En reléguant la frappe, secondaire puisque tangible.

Articulé en deux parties, ce court disque de Costa présente toutes les surfaces sensibles des peaux, des bois et des métaux. La dimension organique est forte, et à ce titre on est davantage chez le Carlo Costa qu’on entend dans Natura Morta avec l’altiste Frantz Loriot que chez le membre du quartet de Jean-Brice Godet. Et pourtant, cette approche totale du solo maître des sons et des images inhérentes signe une proximité, voire une familiarité, avec les aventures solistes de Godet, mais aussi de Loriot ou de Niggenkemper. Dans la première partie de l’album, la vibration des cymbales évoque une forêt primaire emprisonnée par la brume où des passages fugaces et sauvages laissent l’auditeur aux aguets. Plus loin, quelques frottements incarnent la pluie et l’orage. On lâche prise, on convoque l’oubli et on se laisse transporter…

La deuxième partie de l’album est moins atmosphérique. Costa joue avec divers objets, et du bois à la porcelaine, les chocs créent une rythmique qui oscille entre le spontané et le complexe, comme entre l’abstrait et le concret. L’implication de Carlo Costa dans cet exercice est énorme, et bien qu’il ne s’agisse jamais d’une performance physiquement éprouvante, on perçoit une tension et une intensité corporelle assez éloignée du Drums of Days de Flin van Hemmen, le précédent solo de percussion paru sur le label de marge étasunien. Sur la pochette d’Oblio, c’est une image de ruine aride qui nous accueille. C’est une des clés de cette musique, une recherche minutieuse des poussières d’histoires capables de conter mille aventures. Captivant.

par Franpi Barriaux // Publié le 24 février 2019
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