Chronique

Chet Baker

Late Night Jazz

Chet Baker (tp, voc), Philip Catherine (g), Egil Kapstad (p), Terje Venaas (b).

Label / Distribution : Elemental Music

Dès les premières notes de « Skylark », la magie opère. Pour celles et ceux qui pourraient penser que Chet Baker ne s’est pas intéressé à l’évolution structurelle du jazz de la fin du XXème siècle, il suffit d’écouter pour comprendre que les standards américains rajeunissaient sitôt qu’il commençait à souffler dans sa trompette. Nul besoin pour lui de s’épancher dans une multitude de notes, ni de plonger dans une quelconque mode passagère. L’introspection musicale qu’il proposait, de préférence dans l’intimité de clubs exigus, était gage de modernisme avéré.

Sans tambour mais avec trompette, Late Night Jazz fait déferler une belle page du songbook américain. « How High The Moon » qui s’épanche tout en souplesse et où la voix diaphane de Chet scatte avec une douceur qui n’appartient qu’à lui, « Body And Soul » sublimé par l’intervention soliste de Philip Catherine ou « My Foolish Heart » que la contrebasse de Terje Venaas ennoblit. Le contrebassiste norvégien avait déjà derrière lui une expérience importante acquise avec Terje Rypdal, Dexter Gordon ou Michel Petrucciani. La beauté qui se dégage de « I Want A Little Girl » tient à l’apparente simplicité de la mélodie, et la dévotion des musiciens y est exemplaire. Le pianiste Egil Kapstad signe trois compositions, « The Bird From Kapingamarangi », « The Ballad Of Buttersmile » et l’extatique « Children’s Waltz ». Ce pianiste norvégien décédé en 2017, réputé pour ses compositions classiques pour orchestre et quatuor à cordes, est un partenaire harmonique de choix pour Chet Baker. Son empreinte pianistique convient idéalement aux ballades, de même que l’inventivité débordante de Philip Catherine.

La genèse de cet album providentiel, enregistré les 17 et 18 février 1988 au Sysmo Studio de Montmartre à Paris, est due au poète norvégien Jan Erik Vold. La session originale fut produite par Jon Larsen, assisté par l’excellent ingénieur du son Jan Erik Kongshaug. Il s’agit là de l’une des dernières séances d’enregistrements de Chet Baker, qui allait disparaître tragiquement trois mois plus tard après avoir chuté du deuxième étage de sa chambre d’hôtel à Amsterdam.