Chronique

Clover

Vert Emeraude

Alban Darche (sax, cl), Jean-Louis Pommier (tb), Sébastien Boisseau (b)

Label / Distribution : Yolk Records

Vingt ans que Yolk nous charme, vingt ans que la magie s’opère, et il fallait pour cet événement rappeler la famille avant d’accueillir de nouveau amis. La famille du label ligérien est étendue, mais son noyau de créateurs est assez restreint et toujours fidèle : Alban Darche au saxophone, Jean-Louis Pommier au trombone et Sébastien Boisseau à la contrebasse. Tout ceci aurait pu être plus étendu, plus rythmique, voire plus cubique [1] avec d’autres figures du label. Mais ceci n’est pas une célébration, une fête pleine de guirlandes et de flonflons. C’est une étreinte. Une douceur et un plaisir de se retrouver, comme la délicieuse discussion entre soufflants sur « Histoire sans paroles », réglée avec le calme ombrageux de Boisseau qui lui donne du corps. Dans ces temps où la nécessaire distanciation physique ruine l’intime, c’est une véritable dose de chaleur humaine qui passe par une musique simple, fluide et diablement équilibrée.

Le trio s’appelle Clover. Le trèfle. Il y a des trèfles à quatre feuilles, qu’on dit porter bonheur, mais celui-ci se sépare dans une dentelle triangulaire d’une grande élégance, parfois languide et tirant vers un abstrait qui reste très incarné, à l’image de « Où sont les oiseaux » signé par Boisseau et qui fait penser à Wood, son duo avec Matthieu Donarier. On a cette même sensation presque physique, sensible, où anches et embouchures caressent le bois plein d’aspérités de la contrebasse. Les morceaux de Vert Emeraude sont courts, comme de petits instantanés ou des bulles de nostalgie. Ainsi « A la bougie », qui fonctionne comme une ronde infinie, est un petit étourdissement d’Alban Darche que le trombone de Pommier se charge de charpenter. Comme les souvenirs, les cercles de chacun des musiciens se croisent et diffèrent à la marge, et lorsque c’est Jean-Louis Pommier qui prend la parole, la géométrie se fait plus anguleuse, jusqu’à ce que les formes se superposent et se complètent.

Avec Clover, on peut mesurer le chemin parcouru par Yolk et par ses fondateurs, mais aussi la grande cohérence qui a assuré une vraie continuité esthétique. On peut encore écouter La Martipontine, qui a maintenant seize ans et trouver que ces jeunes gens ont mûri mais n’ont pas dévié de leur course. Il y a dans « L’Elfe B » par exemple tout ce que le label Yolk défend depuis tant d’années : beaucoup du Cube, un peu de LPT3 et un brin d’Unit. Tant d’amitié dans tout ceci et une recette simplement belle et revigorante. Du Yolk dans ce qu’il a de plus classique. C’est à dire de plus jubilatoire, avec cette innocence qui fait courir au-devant de l’aventure avec la légèreté et l’insouciance enfantines qui illustrent la pochette et ressemble tant à la philosophie des yolkiens...

par Franpi Barriaux // Publié le 22 novembre 2020
P.-S. :

[1Référence aux diverses déclinaisons des orchestres d’Alban Darche, NDLR.