Chronique

Czajka & Puchacz

Bivališča

Kaja Draksler - (p, rhodes, perc) ; Szymon Gąsiorek - (d, perc)

La pianiste Kaja Draklser est une voyageuse.
Vivant à Amsterdam, elle dirige son octet. Vivant à Copenhague, elle s’offre quelques aventures en duo avec des musicien.ne.s dégourdi.e.s. Vivant et voyageant en Europe, elle s’aventure au plus loin, sans compter les journées de marche.
Ici, avec le projet Bivališča le duo aux noms d’oiseaux [1] est dans le percussif, le minimaliste, le répétitif. On dit souvent que le piano est un instrument à cordes mais aussi à percussion, on dit parfois que la batterie chante. Ici, on peut simplement dire que les frontières entre instruments sont abolies. Les deux musicien.ne.s produisent des sons dont on doute parfois de la provenance. Est-ce un frottement de cordes de piano ? Est-ce une frappe sur une peau de percussion ? La fantastique énergie est fusionnelle.
On dirait parfois les soliloques de Moondog, on se croit dans un temple au Japon, on voyage en train, on prend le thé avec un chapelier fou…
La diversité des sonorités rend cette musique aussi captivante qu’étonnante. Le batteur polonais Szymon Gąsiorek et résidant danois, a une façon très shamanique de faire sonner ses fûts : de lourdes frappes lâches et résonnantes, aux graves velus. Kaja Draksler passe du piano au Fender Rhodes pour quelques effets de résonnances cristallins qui catapultent l’auditeur dans un monde microscopique où les insectes rivalisent d’ingéniosité balistique pour échapper aux prédateurs. Chaque morceau porte le nom d’un élément sylvestre que la musique illustre avec intelligence et la magie opère. Et au sortir du disque, le réel reprend forme, effaçant les traces de cette fumerolle musicale, comme une cicatrice dont les fils absorbables résorbent le trait.

Une douce miniature grouillante… comme en témoigne la vidéo ci-dessous.

par Matthieu Jouan // Publié le 14 juin 2020
P.-S. :

[1Czajka & Puchacz signifie : Vanneau Huppé et Hibou Grand Duc en polonais