Chronique

Punkt.Vrt.Plastik

Zurich Concert

Kaja Draksler (p), Petter Eldh (b), Christian Lillinger (d)

Label / Distribution : Intakt Records

Le trio piano/basse/batterie le plus fascinant de ce côté-ci de l’Atlantique sort un album enregistré en concert, ce qui permet d’écouter ce que donne cette musique lorsqu’elle est jouée sans filet.
Autant les deux premiers disques, très remarqués, du trio Punkt.Vrt.Plastik, ont été salués par la critique internationale et donc française, autant les tournées du groupe n’ont, hélas, jamais franchi la frontière française, véritable mur en ce qui concerne la scène jazz.
Aussi, la bonne nouvelle c’est que le public de ce côté-ci du mur va pouvoir entendre comment s’organisent les rôles au sein du trio. Comment les compositions peuvent s’enchaîner les unes aux autres (et l’exemple du concert de Zurich sur ce disque n’en est qu’un parmi d’autres. On a entendu d’autres enchaînement de titres à d’autres concerts.)
Ce qu’on entend, c’est un jeu permanent entre trois individualités liées par un cortex partagé où les informations s’échangent à très grande vitesse et très haute température. Les morceaux ne sont pas structurés comme des thèmes, avec une intro, un développement et une fin : ce sont des structures formelles dans lesquelles on entre d’un coup et qui peuvent prendre différentes formes au cours du jeu. Tout va vite et crépite.
La contrebasse de Petter Eldh est jouée très nerveusement : on entend le claquage des cordes comme une percussion supplémentaire ; la batterie de Christian Lillinger éclabousse d’étincelles pétillantes les polyrythmies et les syncopes du piano de Kaja Draksler. Cette dernière utilise aussi un clavier à quarts de tons qui vient ajouter une couleur supplémentaire, une patine glissante.
Cet enregistrement date de mai 2021, lors du festival de musiques improvisées unerhört !-Festival et la captation rend vraiment justice à la musique : on se retrouve presque au milieu du trio et on y entend d’autres sons, des exclamations, des manifestations, celles des musicien.ne.s en pleine interaction.
On retrouve le matériau thématique des deux précédents disques, dans un savant mélange de compositions dont la moitié est signée Lillinger, quatre de Draksler et trois seulement d’Eldh, dont l’incroyable comptine totalement bancale et magnifique « Natt Raum ».