Daniel Humair
Prismes à l’eau
Daniel Humair (dm), Vincent Lê Quang (s), Stéphane Kerecki (b), Samuel Blaser (tb).
Label / Distribution : Le Triton
La notion d’équilibre entre l’écriture et l’improvisation, chère au jazz depuis la nuit des temps, s’affiche ici sans que jamais n’advienne la moindre compromission. Daniel Humair dessine une nouvelle page dans sa carrière prolifique, ses interactions avec Vincent Lê Quang, Stéphane Kerecki et Samuel Blaser incitent à la gourmandise, sa palette sonore fluide et colorée apportant une intensité corporelle à Prismes à l’eau.
Deux anciens partenaires incontournables de Daniel Humair signent des compositions dans cet album. « For Flying Out Proud » de Franco Ambrosetti met en valeur le jeu de contrebasse de Stéphane Kerecki, l’introduction où il improvise superbement et l’accompagnement magistral qu’il exécute ensuite en font un partenaire idéal. « Salinas » et « Missing A Page » de Joachim Kühn se parent ici de nouveaux habits, leurs développements musicaux ouvrent les champs des possibles. Témoignage de la vitalité intemporelle du jazz, l’indication des mesures qui varient rappelle combien cette musique se nourrit de renouveau.
« Lyria Inn » exalte la frappe délicate de Daniel Humair aux balais : tel un oiseau planant très haut, il survole les unissons de Vincent Lê Quang et Samuel Blaser. La facilité avec laquelle la musique advient instantanément confirme la connivence habitant ces musiciens. Aucun enjolivement ne vient perturber les échappées solistes. « Free 1 » et « Free 2 », « Dark Choc », imprévisibles, contrastent avec la souplesse jubilatoire de « Give Me Eleven ». Daniel Humair a toujours été un musicien caméléon, son originalité est de ne jamais s’enfermer dans un quelconque schéma. La reprise de « Triple Hip Trip », qui a marqué la fin des années soixante-dix par sa profonde originalité, prend ici une nouvelle tournure poétique, l’abstraction qui s’en dégage apporte un à-propos délectable.
Ce sont des chants unis, tout comme ceux qui se développaient il y a une centaine d’années dans le jazz naissant aux États-Unis, qui virevoltent dans Prismes à l’eau, dédicace subtile de Daniel Humair à la fabrique genevoise Caran d’Ache qui créa les crayons de couleur Prismalo. Si l’allusion témoigne d’un souvenir exquis qui a marqué l’enfance helvétique de cet immense batteur, on ne peut en retour que le remercier d’avoir disséminé de vastes coloris encyclopédiques dans ce splendide album.