Chronique

Henri Texier

Chance

Henri Texier (b), Sébastien Texier (as, cl), Vincent Lê Quang (ts, ss), Manu Codjia (g), Gautier Garrigue (dms).

Label / Distribution : Label Bleu

Chance. Comment imaginer titre plus simple pour une musique qui parle en droite ligne du cœur ? Une fois encore, c’est pour chacun d’entre nous la certitude d’être en belle compagnie. Celle d’Henri Texier, musicien dont on peut dire qu’il est, à 75 ans, entré dans la légende du jazz, une musique qu’il continue de raconter avec des mots chargés d’émotion et d’admiration, comme on peut le constater dans un rapide portrait que nous lui consacrons par ailleurs. Celle d’un langage identifiable dès les premières notes, qui trouve sa source du côté des grands musiciens que le contrebassiste a côtoyés dans sa jeunesse, tous ces géants qui lui ont transmis un désir farouche d’originalité. Celle de ces mélodies teintées de blues – car l’homme revendique une identité de bluesman – qui laissent affleurer une large gamme de sentiments mêlés en un même chant. Ici c’est la tendresse pour celles ou ceux dont l’action a pu changer le cours de nos vies (« Simone et Robert »), et comme depuis longtemps maintenant une inquiétude face à la destruction de notre planète. Mais ces mélodies sont capables, aussi, de transmettre une joie presque naïve, née de l’admiration pour les grands artistes (« Pina B. »). Chance est un nouveau disque en forme de célébration humaniste et universaliste, qui voit le jour chez Label Bleu, auquel Henri Texier est fidèle depuis plus de trente ans.

Loin d’être un bilan, Chance est un chapitre supplémentaire de la grande histoire qu’Henri Texier conte depuis toujours ou presque. « Chance pour moi d’être toujours ici et maintenant ». Alors, est-il ce « Standing Horse », objet d’une courte composition en solo et qu’on voit sur la photo de couverture du disque, signée par le fidèle Guy Le Querrec ? Sans doute. L’homme vient nous dire qu’il est bien là, debout, fidèle en musique, fidèle en amitiés et conscient des privilèges que la vie lui a accordés. Avec peu de regrets, finalement. Il sait la chance qui est la sienne d’avoir su se forger une vie intense au cœur de « la musique de jazz » et de la chanter avec une énergie préservée. Autour de lui, Sébastien Texier, Vincent Lê Quang, Manu Codjia et Gautier Garrigue. Une équipe solidaire qui n’est pas venue les mains vides puisque chacun des musiciens a apporté une composition. C’est là une différence notoire avec Sand Woman, l’album précédent, dont le répertoire était composé exclusivement de celles du contrebassiste, une partie de ces dernières consistant par ailleurs en une relecture de thèmes anciens. À ce sujet, on ne peut que souligner une évidente parenté entre ce répertoire venu des partenaires et celui d’Henri Texier. On se dit que ce dernier aurait très bien pu écrire « Cinecittà », pourtant signé par Sébastien Texier et qu’on connaissait déjà puisqu’elle figurait sur son propre disque For Travellers Only. De même pour « Jungle Jig » écrit par Manu Codjia. Il faut dire aussi que ces deux-là sont des compagnons de route de longue date. Ils parlent exactement la même langue que le contrebassiste.

Une fois ce cadre posé, il reste peu de choses à ajouter : la pulsation est là, le chant aussi, la facture classique du jazz (thème, chorus, thème) fonctionne à merveille, jamais pesante ni même passage obligé. Chaque intervention des solistes est chargée d’une spontanéité qui exprime une nécessité d’être présent, au bon moment. Et c’est un lyrisme collectif et individuel qui est à l’œuvre, pour notre plus grand plaisir.

L’album se termine avec la composition qui a donné son titre à l’album : « Chance » sonne comme un hymne. Comme toute la musique d’Henri Texier.