Chronique

Das Kapital

One Must Have Chaos Inside To Give Birth To A Dancing Star

Edward Perraud (d, perc), Daniel Erdmann (ts, ss), Hasse Poulsen (g).

Label / Distribution : Label Bleu

Voilà plus de cinq ans que le trio Das Kapital n’avait plus donné de ses nouvelles ; c’était au temps de Vive la France et son répertoire de mélodies issues du patrimoine de la chanson française, dans tous ses états. Chacun de ses membres (Hasse Poulsen, Daniel Erdmann et Edward Perraud) s’étant consacré à de nombreuses activités depuis 2019, il restait à faire preuve d’un peu de patience avant qu’on retrouve cette formation internationale en action et qu’elle décide de se lancer dans une nouvelle aventure évoquée comme un « retour aux sources ». Celles d’une improvisation collective qui ne s’interdit rien, y compris un idiome à forte teneur mélodique et soumis à pulsation. Les trois musiciens se connaissent suffisamment pour être en mesure de modeler un matériau riche et abondant en un temps court. Et c’est le principe qui guide un disque dont le titre nietzschéen provient d’Ainsi parlait Zarathoustra : One Must Have Chaos Inside To Give Birth To A Dancing Star. Ou comment dépasser les violences de notre monde pour laisser émerger une expression libre et poétique préservant la sensibilité de chacun des acteurs. On y verra peut-être une démarche à caractère éminemment politique, à chacun de se faire une opinion. Mais on sait les engagements du groupe depuis longtemps et on peut compter sur ses musiciens pour rester en éveil.

Das Kapital s’est donc enfermé cinq jours en studio pour créer dans l’instant plus de quarante pièces parmi lesquelles il a fallu choisir, sans procéder à aucune coupure ni montage. Seul l’homme à qui fut confié le son, Maïkôl Seminatore, aura eu un droit de regard sur le modelage de la matière sonore, ce dont on peut se réjouir. Au bout du compte, sept improvisations [1] sont au programme de ce nouvel album d’une élégance peu commune. Et bien malin qui oserait affirmer sans sourciller que ces minutes lyriques et très atmosphériques ne sont pas nées d’une écriture préalable. Cette leçon de jazz charnel parfaitement captée laisse deviner le niveau de télépathie auquel ont accès les trois musiciens pour être ainsi en mesure de dessiner en temps réel les contours d’une musique en état permanent de lévitation et d’urgence poétique, exprimé par le biais d’un langage sensible paré de couleurs plutôt sombres qui vont de pair avec la luminosité caractérisant la complicité humaine et artistique ayant permis son élaboration. Une fois encore, Das Kapital fait entendre sa singularité et, surtout, élève sa musique au niveau le plus haut. Le jazz est vivant, plus que jamais.

par Denis Desassis // Publié le 25 août 2024
P.-S. :

[1Qui sont au nombre de neuf en réalité, car deux existent bel et bien, mais ne sont pas créditées sur le livret du CD.