Scènes

Festival Jazz de Grenoble 2004

Compte rendu du Festival versant électro


Giboulées de mars et dernier festival dans les fauteuils orange du Théâtre de Grenoble - l’année prochaine, retour à la Maison de la Culture.

23 mars, Théâtre de Grenoble, ultime préparatifs sur le plateau et réglage des pupitres pour un duo risqué anche-piano. La salle se remplit doucettement et je dis adieu au fauteuil fétiche.
Geri Allen et Charles Lloyd, alto en bandoulière dans l’ombre des coulisses se préparent à un moment intime en première européenne.
Casquette Kangol à l’envers, son velouté et saxo de travers, les yeux mi-clos Charles Lloyd se recueille ; le visage en accent circonflexe, il hache l’espace avec son saxophone.
Premier morceau long - un peu moins d’une demi-heure - qui annonce plus qu’un thème. Il raconte leur rencontre, leur envie de jouer ensemble ; l’entente est coltranienne et Geri, autant harpiste que pianiste, réconcilie Alice et McCoy dans un même jeu. Vingt-sept minutes qui préfigurent un concert en état de grâce.

Lloyd et Geri, grand angle
(© Patrick Audoux

L’expérience Houille Blanche - ou « Quand le jazz aime l’électricité » - du Festival de Jazz de Grenoble :

17 mars, Salle Olivier Messiaen, la balance est encore chaude lorsque nous rentrons dans la salle. Médéric Collignon, tout de noir vêtu, vient de disparaître en fond de scène, vers les valises posés dans un coin. Instrumentation électronique, pédales d’effets, boîte à tout faire hpd-15 et « trompinette » trônent au milieu de cette scène, lieu de résidence des baroques Musiciens du Louvre de Marc Minkowsky.
Une scène sans grands jeux de lumières, pour un public disponible, curieux des expériences sonores de midi, des bouts de mayonnaise au coin des lèvres et les oreilles en pavillon qui accueillent ce personnage singulier, membre du collectif Slang ! - pour l’heure en prestation solo.

Médéric Collignon et le HpD15
© Patrick Audoux

Deux-trois pianotages de préparation et la trompette attaque ; soliste suivi par un grand orchestre absent mais rigoureusement fidèle, Médéric joue la ligne de basse au hpd-15, tient sa trompette d’une main, entame d’une seul voix un oratorio pour musicien solitaire, rajoute des percussions et timbales synthétiques. Le Hpd-15, « sa » boîte à tout faire, est entre ses mains un complément magique, un instrument virtuel qu’il n’a même plus besoin de toucher ; il suffit de savoir positionner et mouvoir ses mains à quelques centimètres des capteurs pour lancer un riddim de tablas sur fond d’émeute folklorique chinoise.

Suivent deux morceaux au groove atomique sur un thème de Wayne Shorter, avec solo de guitare vocal archi-saturé. Médéric joue et s’amuse, rappe en yaourt danois, rigole de lui-même et présente ses acolytes : HPD-15, Super Zoom et Boss sx700. Le public suit et acclame la performance aztèque.

26 mars, concert de 18h30, salle du 145 ; écran blanc en fond de scène : Tingeling (ça sonne comme une onomatopée ou un prénom de farfadet danois). Des ombres démesurées passent devant l’écran. Guitare ténor à paillettes, scat guttural, son de Rhodes en nappes ou saturé, Tingeling propose une musique par étapes. Une sonorité électronique perceptible, mais pas flagrante, et des effets aux sampleurs à dose homéopathique. Un jazz sur fond de choeurs des Beach Boys, poétique et amoureux.

Laurence Revey
© H. Collon

27 mars, Laurence Revey, accompagnée de sonneurs de cors des alpes et de sampleurs alpins, amorce la soirée de clôture dans la salle Edmond Vigne de Fontaine. Concert d’électrocolchique (comme annoncé dans le programme) et apparition de la chanteuse-danseuse - mais aussi liane en mitaines et robe rose fluo. La Suissesse, qui porte une grande croix blanche sur la poitrine, chante en romanche des incantations à la prière avant la grand messe de Bugge Wesseltoft.

Bugge Wesseltoft Cinematic Jazz
© Patrick Audoux

Ce dernier ne serait-il pas d’ailleurs le nouveau père d’un jazz populaire, collectionneur d’objets électroniques ? Un fond d’écran sur nébuleuse de fractales, percussions tendance et effet dolby surround. Alliance de films et de boucles sonores, distillations de tubes hypnotiques sur fond de background jazz. Sur scène, les images défilent, souples et langoureuses, promesses de nuits pleines de rêve et de classe. Empreinte sonore, petit motif mélodique souvent répété ; les lumières bougent en mesure et le technicien lumière, comme le public, est aux anges. Je le sais, je le vois à son hochement de tête.

par // Publié le 18 octobre 2004