Chronique

Fred Dupont

Organ Session

Fred Dupont (org, p), Damien Schmitt (dms), Jo Champ (g), Renaud Gensane (tp), Baptiste Herbin (sax), Manu Gallet (son).

Label / Distribution : Assai Records

Il ne faut que quelques secondes, celles des premières mesures de « New Orleans », pour comprendre que Fred Dupont n’est pas du genre à y aller par quatre chemins. Nous sommes en route avec lui pour un voyage au pays de la musique heureuse et finalement, c’est une bonne chose. Si Organ Session ne prétend pas écrire une page révolutionnaire dans l’histoire du jazz, son disque musclé a pour qualité première un savant dosage énergétique que nul ne lui contestera ; surtout, il possède la faculté, pas si courante, de repeindre la grisaille du quotidien d’une multitude de nuances colorées.

Avec ce premier enregistrement sous son nom, le pianiste organiste, amoureux de Larry Young comme de Billy Preston, veut prendre date en imposant un ton joyeux, sans questionnement d’ordre existentiel. Ce qui ne signifie pas superficiel pour autant. Les neuf compositions de l’album, toutes originales, sont nourries d’un funk gourmand auquel il paraît difficile de résister. Organ Session est une petite déferlante, cousine proche du travail de Nicolas Folmer et son Horny Tonky, mais dans une déclinaison plus puissante, de laquelle émerge par sa singularité « 6 AM », une ballade matinale en forme de conversation entre orgue et trompette. Fred Dupont, habité d’une jubilation qui donne constamment envie de se lever pour danser, en fait voir de toutes les couleurs à ses claviers, tandis que ses partenaires s’en donnent à cœur joie : ainsi Renaud Gensane et le véloce Baptiste Herbin, en grande forme comme lors de leur échange fulgurant sur « Rhum Express ».

Écoutez par ailleurs le saxophoniste, étincelant avec ou sans effets, sur « Listen Here » ou sur un « Organ Session » qui cligne de l’œil pendant quelques instants à Daft Punk, c’est un condensé de bonheur. La guitare de Jo Champ scande des riffs contagieux (« Mandat Cash ») et délivre ses accents jazz rock électriques pendant que Damien Schmitt pousse tout ce petit monde avec la frénésie qu’on lui connaît par ailleurs (chez Nicolas Folmer, notamment). « Mandat Cash », « Cajun », « Listen Here » – tels des hit songs – sont trois parfaites illustrations de l’état d’esprit qui règne sur une nouvelle production signée Assai Records. Bertrand Lajudie et Stéphane Chausse qui président aux destinées de ce label dont les quelques références sont exemplaires [1], font montre une fois de plus de leur volonté d’imposer la pulsation et le plaisir comme source première de la vibration.
Et d’accorder une grande importance à la qualité du son, ici confié à l’excellent Manu Gallet. Pas question de leur donner tort, bien au contraire.

par Denis Desassis // Publié le 25 juin 2017

[1Ainsi, Nebula du groupe Himiko, récemment élu Citizen Jazz.