Scènes

Thomas de Pourquery : aller simple vers la Lune

Nancy Jazz Pulsations 2021 # Chapitre X – Samedi 16 octobre, Chapiteau de la Pépinière : Bonnie Banane, Thomas de Pourquery Supersonic, Woodkid.


Supersonic © Jacky Joannès

Clap de fin pour Nancy Jazz Pulsations dont l’édition 2021 est considérée par l’équipe du festival comme celle d’une « année de transition » au regard du contexte sanitaire. En dépit des difficultés engendrées par le coronavirus, ces deux semaines festives n’en sont pas moins sources de bien des satisfactions (de nombreuses soirées ont affiché complet) et de sillons à creuser. Côté jazz proprement dit, on a pu vivre chaque soir de très beaux moments : Michel Portal, Lionel Loueke, Peirani & Parisien, Jean-Marie Machado, Avishai Cohen, Grégory Privat, Leïla Martial, Broken Shadows, Alain Jean-Marie & Diego Imbert, Chris Potter… Pour tous (organisateurs, musiciens, public), 2021 aura été marquée par le plaisir des retrouvailles avec le spectacle vivant. Et en ce samedi 16 octobre, la musique aura le dernier mot dans un Chapiteau de la Pépinière plein à craquer. Bonnie Banane, Thomas de Pourquery et Woodkid ont pu le vérifier.

C’est un phénomène assez étrange que celui d’avoir l’impression de revivre des moments déjà vécus. C’était il y a quatre ans, presque jour pour jour, lorsque Thomas de Pourquery avait débarqué aux commandes de son Supersonic dans un Chapiteau de la Pépinière bouillonnant d’une foule très compacte et mobile. Mêmes musiciens, même lieu, même démesure. On appelle ça le « déjà vu »… Peut-être le trait de ce sextet exubérant est-il plus forcé aujourd’hui, comme si le spectacle se devait d’être toujours plus fou, comme s’il fallait rattraper le temps perdu de la Covid-19 et concentrer toutes les énergies en une heure ? Le vaisseau est propulsé par une rythmique dont la force semble à la limite du contrôle, prête à toutes les explosions. Frederick Galiay pilote sa basse surpuissante ; Edward Perraud, un hyperactif dont les baguettes s’envolent à la première occasion, est plus survolté que jamais à la batterie, arborant une chemise qui rivalise comme d’habitude de couleurs kaléidoscopiques avec celles de la veste du chef d’équipage. Presque invisible derrière son piano et ses claviers mais bien présent pourtant, Arnaud Roulin est là, fournisseur de ces climats atmosphériques indispensables au voyage annoncé. Et pour finir, trois soufflants : Laurent Bardainne (dont le saxophone était venu l’an passé naviguer dans les parages de son Tigre d’eau douce), Fabrice Martinez à la trompette et au bugle, sans oublier le boss lui-même, chanteur (et quel chanteur !) et saxophoniste alto, en même temps qu’il assure le spectacle en interpellant le public à la manière d’un showman. Il peut même se permettre de titiller la salle au sujet des vieilles rivalités Nancy-Metz, c’est tout dire…

Thomas de Pourquery © Jacky Joannès

Voyage donc, en direction de l’essentiel de Back To The Moon, troisième album d’une formation qui s’était fait connaître en célébrant le maître des grands espaces intersidéraux, Sun Ra (qui était, rappelons-le, au programme de la première édition de NJP en 1973 avec son Arkestra). Supersonic a réussi son pari, semble-t-il : concilier l’exigence d’un jazz libre – ainsi quelques chorus débridés et free de Thomas de Pourquery ou bien encore les interventions toujours riches de sinuosités de Fabrice Martinez – et communication avec un très large public dont la jeunesse n’aura pas échappé aux yeux attentifs. Il faut dire aussi que l’ultime prestation de la soirée était assurée par le revenant Woodkid et son grand spectacle graphique. Sans doute le réalisateur musicien vidéaste lyonnais a-t-il sur son seul nom rempli la salle. Il n’empêche que Supersonic a décollé avec fureur pour un aller simple en direction de la Lune et embarqué avec lui près de 3000 personnes dont on ne sait pas à l’heure où ces lignes sont écrites si elles sont revenues ou restées derrière sa face cachée.

On vous en dira plus l’année prochaine. Rendez-vous du 1er au 15 octobre pour l’édition 2002 de Nancy Jazz Pulsations.

Nancy Jazz Pulsations 2021 en dix chapitres